J’ai publié sous forme de 4 épisodes sur les réseaux sociaux les quatre grandes émotions que l’on peut ressentir dans notre vie quotidienne comme dans notre vie professionnelle de soignant. Bienvenue chez les émotions et le soignant !
Pourquoi sont-elles là ?
Quel est le rôle de chacune ?
Je vous dis tout !
Si tu veux comprendre tes émotions, apprendre à les gérer pour mieux te connaitre et mieux accompagner les patients, rejoins mon programme déjà suivi par plusieurs dizaines de soignants :
La peur :
La peur est une émotion très archaïque puisque c’est grâce à elle que l’humanité et l’homme a pu survivre. En effet la peur est l’émotion qui nous permet de réagir face à une situation potentiellement dangereuse. Nous avons trois façons de réagir face a la peur :
La fuite
L’attaque
L’immobilisme
Il est très important de laisser s’exprimer cette peur car elle nous permet d’être actif face au danger. Chez les patients elle est souvent l’origine comme le dit la citation de Michael Moor, d’agressivité, de violence, ou de repli. Lorsque l’on accueille cette émotion avec bienveillance et que l’on signifie à l’autre que l’on perçoit sa peur, alors on peut ouvrir un espace de dialogue qui va permettre à la personne d’exprimer ce qui lui fait le plus peur et cela va nous permettre à nous de comprendre son comportement. Le comportement n’est pas l’émotion, c’est très important de le comprendre. Le comportement est l’expression extérieure de l’émotion.
Ce comportement est très souvent différent des stéréotypes que notre société occidentale a collé à l’expression d’une émotion. Notre société a beaucoup de mal à laisser ses hommes et femmes et même enfants à exprimer les émotions qui nous traversent. Et pourtant rien de plus naturel. Alors en fonction des codes éducatifs que l’on a reçu, on va s’autoriser ou pas à ressentir cette émotion. Par exemple pour la peur, notre émotion du jour, depuis la plus tendre enfance, nous autorisons très peu les garçons a avoir peur. Un garçon qui n’a pas peur est un grand garçon. Les filles ont plus le droit d’avoir peur, et d’ailleurs dans les phobies féminines ont fait souvent appel aux hommes pour écraser l’araignée ou sortir la souris.
Donc la peur est une émotion féminine, associée à la faiblesse (dans notre société). Alors transposez cela à l’âge adulte chez nos patients, Non seulement on ne leur a jamais autorisé à exprimer leurs peurs, mais ils se retrouvent là en situation de grande vulnérabilité.
Donc comment faire pour accueillir la peur de nos patients et désamorcer les situations d’agressivité qui sont souvent liées à cette peur ?
La première chose à faire est de pouvoir dire par exemple : vous me dites si je me trompe mais j’ai la sensation que vous avez peur au fond de vous ?
Ou encore : est-ce que vous arrivez à savoir si vous avez peur ?
Le fait de nommer et de reconnaître, donc d’accueillir l’émotion désamorce immédiatement la situation Et vous permet d’ouvrir un espace de relation d’aide pour accompagner l’autre.
En fait ni les patients ni les soignants n’ont jamais appris à exprimer et gérer leur peur. Pourtant on demande aux soignants d’être des pros de la gestion émotionnelle ! Mais cela s’apprend.
La colère :
La colère c’est le plus grand antidépresseur qu’il existe. Cette émotion est celle qui nous permet de dire stop. C’est donc celle qui nous permet de nous respecter, de poser nos limites, de signifier à l’autre qu’il est allé trop loin dans notre espace ou dans notre intimité.
Encore une fois, tout comme la peur dont je vous ai parlé avant, la colère est une émotion refoulée encore une fois dans notre société, dans notre éducation, dans notre enfance. Il suffit d’observer comment on accueille la colère des enfants. Généralement on conseille d’aller se calmer dans sa chambre et de revenir après, on ne doit pas être en colère à l’école, on ne se met pas en colère contre son père ou contre son prof. Les enfants peuvent jusqu’à un certain âge « piquer des colères » mais passé cet âge la colère doit être une émotion maîtrisée et maîtrisable.
Pourtant il est absolument indispensable qu’elle soit exprimée par l’être humain. Alors bien sûr il y a des comportements qui ne sont pas acceptables dans la colère. On peut tout à fait exprimer une colère sans fracasser une chaise, sans taper sur quelqu’un, sans même se mettre à hurler. Mais bien sûr cela demande d’avoir été habitué à pouvoir exprimer cette colère à temps. Parce que c’est souvent lorsque l’on attend trop longtemps que cette colère explose, comme le petit bonhomme de l’image, et que nous répondons alors à des comportements presque incontrôlables.
Je vais vous parler de ce monsieur qui arrive dans le service tôt le matin donc en dehors des heures de visite, et qui est très en colère contre l’équipe parce que sa maman n’est pas encore propre et n’a pas encore pris son petit déjeuner. Il y a deux réactions possibles à cette colère exprimée par ce fils :
– Lui reposer le cadre et lui dire que c’est normal qu’il n’est que 9h du matin, que vous avez 20 patients et que vous allez venir vous occuper d’elle. Lui rappeler au passage qui n’a rien à faire dans le service parce que c’est pas les heures de visite. Et dans les coulisses en équipe le cataloguer de fils pénible, exigeant, qui ne comprend pas qu’il n’y a pas que sa mère dans le service.
– Pouvoir accueillir sa colère en lui disant qu’on va s’occuper de sa maman et lui dire : je vois que ça vous met très en colère. Mais se qui va se passer à ce moment-là c’est que cette phrase va ouvrir les vannes et la personne va « déverser » sa colère. Et c’est justement ce flot que l’on a beaucoup de mal à gérer et que l’on veut donc éviter. Pourtant, ce flot de colère, s’il s’extériorise comme une cascade qui sort d’une montagne, c’est ce qui va permettre à ce monsieur de passer de la colère à l’apaisement.
D’un côté le rappel à l’ordre, la rigidité, le cadre (ce que l’on a appris enfant en fait), de l’autre l’accueil et l’écoute de l’émotion, sans jugement et sans le prendre pour soi car sa colère lui appartient.
Vous voulez savoir la suite, parce que bien sûr on a répondu avec la deuxième proposition… Et bien ce monsieur a répondu qu’effectivement il était très en colère, et il a d’abord énumérer toutes les causes extérieures à lui-même. L’incompétence de l’équipe, la déshumanisation du service, l’exigence des horaires de visite, le fait qu’il n’est pas vu le docteur depuis plusieurs jours. Et au fur et à mesure que ces flots de mots sortent de sa bouche, et parce que en face de lui il sait qu’il peut avoir une oreille attentive, il va tout seul finir par exprimer son impuissance face a la maladie de sa mère, son incapacité d’être présent plus longtemps parce qu’il a un travail avec des responsabilités et qu’il ne peut passer que lorsque ses engagements le permettent. Il va finir par évoquer les moments qu’il a raté avec sa maman, il va finir par évoquer son impuissance face à la maladie et il finira dans les larmes à dire qu’il ne veut pas qu’elle meurt, qu’il ne veut pas la perdre.
Clairement la colère s’exprime souvent parce que l’on ressent une injustice, qu’elle soit réel ou qu’elle soit imaginaire. Une injustice sociale, une injustice de la vie, une injustice divine. Lorsque l’homme perd le contrôle il se met en colère. C’est pour ça que cette colère est nécessaire car elle permet de passer à une autre émotion, la tristesse. Et la tristesse, je vous en parle en dessous, c’est l’émotion qui permet d’évacuer.
Cette colère permet l’expression de l’insupportable. Lorsque l’on est victime de harcèlements ou de mots blessants, ne pas exprimer la colère que l’on éprouve à être rabaissé, entraîne une sorte d’acceptation de ce qui se passe, et on est souvent encore plus en colère parce que l’on a pas réagi.
Pouvoir dire : Ce que tu me dis est inacceptable, cela me met en colère et je ne suis pas d’accord….
Donc vous l’aurez compris les rebelles sont beaucoup plus sereins que ce que l’on peut imaginer. Je vous invite à accepter et accueillir cette émotion, chez l’autre comme chez vous 🙂
La tristesse :
Haaaa la tristesse !!!! Certainement l’émotion la plus importante qui existe et pourtant celle qui est la plus refoulée. Que ça ne se fait pas d’être triste ! J’en reviens à l’enfance mais le nombre de fois où on demande à un enfant d’arrêter de pleurer, de sécher ses larmes, de ne pas être triste. Elle met mal à l’aise cette émotion, je crois encore plus que la colère. On est emprunté face à quelqu’un qui est triste, on ne sait pas quoi faire.
Et pourtant son rôle est indispensable. La tristesse c’est l’émotion qui permet l’évacuation. C’est l’émotion qui permet au corps de lâcher et d’extérioriser ce que la peur et la colère en généralement engendré. La tristesse c’est autoriser à laver son âme, c’est autoriser la vulnérabilité, pour accueillir le soutien de l’autre. Sans tristesse, on ne peut pas accéder à la joie. Ce que je veux dire par-là sais qu’on peut pas passer de la peur de la colère la joie sans passer par la tristesse. La tristesse et le pansement de l’âme.
Dans ce fabuleux dessin animé de vice versa que je vous conseille de regarder si vous ne le connaissez pas, la joie essaye de se débarrasser de la tristesse tout au long du dessin animé. Ce n’est qu’à la fin qu’elle comprend son utilité et qu’elle décide de lui faire une place, de l’accepter au même titre que toutes les autres émotions. Tout au long du dessin animé on observe comment on a tristesse essaye d’être refoulé en permanence, contenu. Et pourtant c’est grâce à elle que tout va s’arranger, que le dialogue sera permis, que les autres vont prendre en considération les besoins de celui qui est triste.
Comment imaginer un lieu de soins, ou des êtres humains extrêmement vulnérables rencontre d’autres êtres humains soignant, sans qu’à aucun moment on puisse s’autoriser à laisser de la place à la tristesse. Les patients doivent pouvoir avoir l’espace d’exprimer cette tristesse sans prendre le risque de voir « débouler »le psychologue ou l’antidépresseur. Malheureusement trop souvent lorsqu’un patient est triste ou pleure, on a besoin vite de faire taire cette tristesse de lui venir en aide pour qu’il arrête d’être triste. Alors on propose tout un tas d’actes ou de consultations, alors qu’il suffit juste d’ouvrir un espace et de laisser cette tristesse s’exprimer parce qu’elle est normale et naturelle.
Et les soignants ! On apprend souvent à l’école que lorsque l’on pleure au travail, que l’on est touché par une situation, c’est parce qu’on a pas réussi à gérer ses émotions, parce qu’on a pas réussi à garder la distance. Mais quelle ineptie, quelle erreur que de laisser croire que l’on peut soigner des gens sans ressentir de tristesse pour ce qu’ils sont en train de vivre.
Plus vous allez vous autoriser à pleurer et plus vous allez évacuer la situation qui vous touche le plus, et moins vous allez vous épuiser. C’est nécessaire de pouvoir laisser échapper sa tristesse, ça vous permet d’évacuer et de continuer. Alors s’il vous plaît, tous mes pères et confrères soignants, pleurez, laissez sortir vos larmes, acceptez-les et faites leur une place. C’est un cadeau. Soyez en paix et serein lorsqu’elle arrive.
La tristesse est un tremplin vers la joie !!!!
La joie :
Ahh la joie !!! Vous l’attendiez bien sûr. Cette émotion visée et désirée par chacun d’entre nous. Cette pression sociale qui insidieusement nous donne l’injonction d’être heureux. Il faut être heureux, être heureux est un objectif à atteindre. Si on n’est pas heureux on a raté quelque chose dans sa vie…. La joie partout, la joie de travailler, la joie d’être parent, la joie d’être en couple, la joie d’avoir un hobbies. Si ta vie n’est pas joie elle est ratée….
Du coup on se sent nul de ne pas être en joie; Mais qu’est-ce que la joie ? La joie c’est cette émotion qui nous permet d’être en contact avec les autres, d’être en relation avec le monde qui nous entoure. C’est elle qui nous permet l’interaction et la connexion.
Mais si vous avez lu attentivement les postes précédant, vous avez compris maintenant que pour atteindre la joie, il faut d’abord passer par l’acceptation des autres émotions. Identifier exprimer ses peurs, laisser sortir sa colère et laisser sa tristesse s’exprimer pour réparer tout ça. Si trop souvent des personnes n’arrive pas à atteindre la joie c’est parce que les émotions précédentes sont souvent refoulées et non exprimées. Elle se demande sans cesse pourquoi elles n’ont pas accès à cette émotion. Simplement parce qu’elles ressassent, qu’elles sont enfermés dans des spirales intérieures de colère, de peur ou encore de tristesse.
Il y a aussi une beaucoup d’attente de cette joie. La joie ce n’est pas le bonheur. La joie c’est une expression d’une émotion intense que l’on ressent au contact d’un événement, et qui nous envahit tel un tsunami. C’est aussi intense qu’éphémère. Par contre elle laisse des empreintes indélébile. Des empreintes de joie que l’on peut retrouver lorsque l’on en a besoin. Cette joie se connecte au plus profond de nous, dans ce que nous avons de plus intime. Souvent ce que nous ne savons pas, c’est que chaque jour ce ressenti est gardé précieusement dans un coffre. Avoir la clé de ce coffre c’est avoir accès à sa joie profonde et intrinsèque que rien ni personne ne peut détruire. Ni la maladie, ni les épreuves de la vie, ni les deuils, malgré toutes les épreuves que l’on peut endurer dans une vie, ce coffre qui enferme toutes nos joies est intact. C’est parce que parfois nous sommes perdus dans les méandres de nos souffrances que l’on ne retrouve pas la clé de notre coffre.
Pour accéder à la joie il faut donc une ouverture de cœur et d’esprit. La joie ne se cherche pas elle se connecte à celui qui est pleinement ouvert et prêt à l’accueillir. Ne cherchez pas la joie mais mettez-vous en posture de l’accueillir. Elle viendra à vous naturellement. Regarder une fleur s’ouvrir, écouter un oiseau chanter, mettre les pieds dans une rivière, regarder son enfant jouer, profiter pleinement d’un câlin, fermer les yeux en mangeant quelque chose de délicieux, respirer à pleins poumons cette odeur, tout cela vous mettra en posture pour accueillir et ressentir la joie. Elle peut même vous amener aux larmes. La joie est partout.
Il est important que nous en tant que soignant nous puissions nous nourrir de nos joies pour aider nos patients à connecter les leurs. Un patient qui retrouve la clé de son coffre se retrouve en possession de ressources incroyables pour traverser une maladie, pour combattre un cancer ou pour vivre sa dernière traversée.
Maintenant que vous savez que les émotions sont vos alliées et non vos ennemies, je vous propose d’aller lire l’article jumeau : La gestion des émotions.
Si tu veux comprendre tes émotions, apprendre à les gérer pour mieux te connaitre et mieux accompagner les patients, rejoins mon programme déjà suivi par plusieurs dizaines de soignants :
2 Comments
Merci beaucoup pour toutes ces explications sur les émotions. Je les comprends tout à fait car je vis un événement très triste actuellement et j’ai la réelle sensation d’être nettoyée par cette tristesse et oui, je la reçois comme un cadeau. J’ai employé exactement les 2 mêmes mots que vous. Je me libère de mon égo, je deviens enfin authentique et je ne veux plus revenir en arrière. Je veux vivre d’esprit à esprit et non plus d’égo à égo.
Merci pour ce très joli commentaire ♥️ Continue ….