Depuis le début de sa maladie, elle vient toujours à l’hôpital très apprêtée. Coquette, élégante, féminine, elle ne sort jamais sans ses apparats féminin. Faut dire qu’elle est très belle et très grande.
Lorsque la maladie s’est aggravée, elle s’est retrouvée hospitalisée longtemps dans le service de cancérologie. La chimio avait malheureusement fait tomber ses magnifiques cheveux, ses longs cils et ses beaux sourcils.
Dans son lit, jour après jour elle essaie de rester femme, de rester « elle ». On sent bien comme c’est important cette apparence pour elle. Un peu comme si sa beauté corporelle était un élément indispensable de sa dignité.
Finalement qu’est-ce-que la dignité ? Peut-être que pour elle c’est d’être regardée comme une femme séduisante.
Elle a un cancer gastrique, en phase terminale. Elle est à l’hôpital depuis 3 semaines maintenant et son état se dégrade. L’équipe est aux petits soins pour elle. Ils essaient de faire de la toilette un moment de beauté plus qu’un simple soin d’hygiène.
Sa maman avec qui elle était en froid depuis plusieurs années est revenue près d’elle. On sent bien qu’il y a un lourd passif entre elles. Mais peu importe, cela ne nous regarde pas. Kristina n’a pas d’enfants, pas de conjoint. Elle a beaucoup d’amis en revanche, surtout un qui vient très régulièrement la voir.
Elle fume encore. Parfois tard le soir les soignants l’approchent de la fenêtre et lui enlèvent son oxygène pour qu’elle puisse s’en griller une. C’est pas règlementaire mais c’est humain. Finalement c’est un peu le seul plaisir qui lui reste.
Le médecin est inquiet. Les résultats sanguins sont perturbés. Il n’arrive pas à comprendre certains chiffres sur ses bilans sanguins.
Tous les matins il lui pose des questions qui pourraient l’aider à comprendre. Des questions auxquelles il a pensé toute la nuit pour expliquer les anomalies qu’il retrouve. Mais rien, rien qui pourrait l’expliquer.
En parallèle de son état qui s’aggrave, elle change. Son visage change, ses mains autrefois si fines et si longues s’empâtent. C’est difficile à croire mais on dirait qu’elle se transforme. Alors oui les corticoïdes et la maladie font gonfler parfois ou même déforme. Ce doit être ça…
Un matin lors de la visite, elle demande à rester seule avec le médecin. Elle souhaite lui dire quelque chose.
Nous sortons alors tous de la chambre.
Ce que va révéler Kristina au docteur, est la preuve que la véritable identité d’un être humain est bien son âme et son cœur. Ce qu’il est au plus profond de ses tripes. Cette petite voix qui nous suit depuis notre naissance et qui nous guide mieux que personne, parfois mieux que notre propre raison.
Kristina expliquera avec des trémolos dans la voix, qu’il y a encore 8 ans, elle s’appelait Eric. Que cette transformation n’est autre que les conséquences de l’arrêt de son traitement hormonal. Que ses résultats sanguins ne sont rien d’autres que celui d’un homme et non d’une femme.
Kristina quittera le corps d’un homme un petit matin, pour s’élever comme une femme, pleinement femme, dignement femme.
Cynthia
Défi N°2, article 24/30