Maltraitance des étudiants en santé, une maltraitance sournoise

maltraitante des étudiants en santé

Parler du bien-être des soignants, c’est forcément à un moment devoir parler des violences subies par les soignants eux-mêmes. La maltraitance des étudiants en santé est de plus en plus mis en lumière. Ils sont souvent confrontés à une maltraitance sournoise, discrète, vicieuse, mais qui peut faire des ravages. Perte de confiance en soi, abandon des études, dévalorisation, traumatisme et dans les cas les plus graves suicides.

Alors comment faire ? Comment se protéger de ces actes, de ces mots quand on est jeune, que l’on a un enjeu, celui de valider son stage pour continuer. Comment réussir à passer outre, ravaler sa salive, faire profil bas pour ne pas s’attirer des ennuis.

Un piège dont l’étau se serre proportionnellement à l’enjeu. Ignorance, maltraitante, abus de pouvoir, domination, discrimination, critique, tout un lot de comportements, de mots, qui doivent aujourd’hui cesser. Pour cela il faut que la parole se libère, que nous parlions de ce sujet non plus comme un sujet tabou, mais comme un sujet grave, d’actualité, dont on doit parler haut et fort.

Les enjeux dans la maltraitance des étudiants en santé

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’étudiant apporte un regard neuf ET extérieur lorsqu’il arrive dans un service de soin.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela signifie qu’avec ce regard extérieur, les pratiques de soins vont être observées et questionnées.

L’étudiant les questionne dans un but d’apprentissage, de compréhension. Les soignants peuvent le percevoir comme des insinuations ou du jugement. Pour faire simple, les soignants bien dans leurs sabots, droit dans leurs pratiques et ayant une belle posture professionnelle, ne se sentiront jamais remis en cause par la présence et le regard des étudiants.

En revanche, ceux qui savent très bien que leurs pratiques sont border line, que leur posture professionnelle n’est pas juste, vont avoir « peur » d’être repérés, dénoncés par la présence de l’étudiant.

Pourquoi dénoncer ?

Pour faire cesser. Parce que nous savons très bien que dans chaque équipe où un soignant malveillant est présent, c’est la politique de l’autruche qui s’opère plutôt que l’action. Combien d’entre vous êtes témoins d’actes, de paroles, de positionnement malveillants sans pour autant être en capacité de faire quelque chose ?

Plus le soignant est ancien et ancré dans le service, plus il est complexe de faire évoluer la situation.

Mais revenons-en aux étudiants.

Quelles sont les conséquences de la maltraitance des étudiants en santé ?

Et bien comme dans tout enjeu relationnel inconscient, l’attaque est un mécanisme de défense qui permet de « mettre à terre » un danger potentiel avant qu’il ne nous atteigne.

L’étudiant est ce danger potentiel qui vient perturber le rythme « ronron » d’une équipe, et qui pourrait éventuellement casser cet équilibre. Il faut se justifier, argumenter. Peut-être même que l’on pourrait se retrouver accusé en tant que soignant par un étudiant qui dénoncerait ce qu’il a vu.

Il va donc falloir lui faire peur, le « dominer ». Lui faire comprendre rapidement qu’il n’a pas interêt à trop se manifester. Lui qui n’est là que pour apprendre et prendre exemple. Lui qui ne cherche qu’à être enseigné par ses pairs plus expérimentés. Le choc est terrible.

Pourquoi est-ce que ça marche ?

Parce qu’il y en a un qui a une place dominante par rapport à l’autre. Il y a un bourreau et une victime. Celui qui attaque et celui qui subit. C’est parce que ces deux protagonistes existent que cela peut se produire.

Mais pourquoi est-ce toujours dans ce sens ?

Tout simplement parce que l’étudiant joue son stage, son année, son avenir. Peu importe que vous soyez étudiants en médecine ou étudiants infirmiers ou aide-soignant, vous avez intérêt à faire profil bas pour valider votre stage. Votre enjeu passe avant votre dignité, votre respect et ça c’est horrible.

Une sorte de choix impossible entre accepter au prix de se sentir piétiné, humilié, rabaissé, ou faire valoir sa limite, exprimer son désaccord au prix de se voir puni, disputé et prendre le risque de perdre sa note, sa validation ou son année. C’est donc choisir entre la peste et le choléra, il n’y a aucun choix agréable ou idéal, il n’y qu’à choisir le moins pire.

Comme 98% des étudiants choisissent le choléra, c’est à dire ne pas se rebeller et se laisser « marcher sur les pieds » au bénéfice de valider son stage, la frustration, la peine s’installe.

A cela se rajoute le découragement, la perte de confiance, la tristesse, le découragement. Pour peu que vous soyez déjà un peu vulnérable, hypersensible, et bien ces situations peuvent faire de gros dégâts dans la vie privée et émotionnelle de l’étudiant.

Qui vous protège, qui vous défend ?

Et bien malheureusement personne. Ou alors très peu de monde.

Les cadres à l’IFSI ne sont malheureusement eux aussi pas tous bienveillants. Replaçons le contexte. Aujourd’hui, les IFSI ont rejoint une organisation universitaire, soit disant pour plein d’avantages dont on ne connait pas très bien à qui ils profitent. Toujours est-il que sur le terrain cela se traduit comme suit : Les formateurs sont d’anciens cadres de santé pour la plupart d’entre eux, le contact avec le terrain s’est arrêté il y a de nombreuses années. Être formateur à temps plein nécessite normalement deux choses indispensables : Rester en contact avec le terrain et se former pour être à niveau régulièrement.

Pourtant ni l’un ni l’autre ne fait partie d’obligation dans la carrière d’un cadre formateur enseignant. On peut donc se retrouver face à une équipe qui a perdu tous ses outils en terme de prise de recul, d’évaluation, et de réflexion éthique en ce qui concerne les études de santé et l’accompagnement des étudiants et de ce qu’ils peuvent vivre sur le lieu de stage.

À cela, nous rajoutons le fait qu’il n’y a eu aucune refonte des IFSI, ni aucune formation des nouvelles fonctions de tuteur de stage dans les services de soins. On a donc créé un nouveau système d’études de santé sans donner aucun moyen ni aux IFSI, ni aux soignants de terrain, de remplir leurs missions comme il se doit. Enseigner, encadrer, transmettre, demande de l’accompagnement et de la formation.

Bon je suis d’accord avec vous tout cela n’excuse pas les comportements déviants que l’on peut observer lorsque l’on écoute des étudiants nous raconter leur stage. Mais cela contribue à rajouter de l’huile sur le feu lorsque les terrains de stage sont déjà très fragiles, avec des personnalités complexes, qui sont dans des relations toxiques avec les étudiants. Mais surtout, cela vient détruire l’illusion que l’on avait d’avoir des formateurs rassurants, compréhensifs, des soignants enseignants et pédagogues, des cadres et médecin motivés par les transmission de savoirs et de compétences.

Et cette destruction elle fait mal à l’âme !

Il existe dans certains IFSI un regard aussi très méprisant de la part de certains membres d’un équipe pédagogique. Les étudiants sont souvent vus comme immatures, capricieux, feignants, essayant par tous les moyens de tricher ou de s’économiser pour parvenir à réussir leur diplôme. La gestion émotionnelle ne faisant absolument pas partie des études de santé, il est également assez mal perçu d’être un étudiant dit sensible.

Si une fois vous passez le pas de confier vos difficultés, vous pouvez vous retrouver face à quelqu’un qui pourra vous tenir ce discours très paternaliste qu’on pouvait entendre dans les années 1970 : Il faut qu’il apprenne la vraie vie. Quand il sera diplômé, on va pas lui faire de cadeaux. Il faut qu’il apprenne à se défendre. Quand il sera sur le terrain ce sera autre chose !

Et oui apprendre dans la douleur a souvent été un fantasme chez certains enseignants. Un peu comme à l’armée. Imaginer qu’en apprenant le pire on sera plus fort, plus armé, plus à même de gérer les situations difficiles. C’est ABSOLUMENT FAUX.

Pour bien apprendre il faut un climat bienveillant, de l’empathie, de la confiance. Et on apprend deux fois plus quand on se sent bien que quand on se sent sous pression, que l’on se sent jugé, critiqué.

Donc vous n’avez pas toujours les moyens de trouver réconfort auprès de l’équipe pédagogique qui vous accompagne.

En médecine c’est encore pire, un médecin, un interne est un professionnel qui ne doute pas, qui ne faillit pas, qui ne pleure pas, et qui est capable d’endurer les pires situations relationnelles et humaines sous prétexte que ce n’est pas un métier facile et qu’il va en voir des vertes et des pas mûres dans sa vie. Je pense que les internes en médecine sont encore plus mal lotis que les étudiants en IFSI. Ils peuvent encore moins se retrouver face à un tuteur de stage qui va prendre en considération tout l’impact émotionnel que peut faire vivre l’apprentissage d’un métier de soignant.

Donc vous croisez très peu de professionnels qui vous tendent la main durant ces années d’études.

Alors comment faire pour lutter contre cette maltraitance vécue par les étudiants en santé ?

Comment se sortir de ce qui parait être quelque chose d’inéluctable, d’inévitable.

D’abord, sachez qu’il est important de ne pas nourrir l’illusion que la rébellion frontale vous permettra de faire changer le monde et les mentalités. Nous pensons souvent que de se rebeller, résister va permettre la prise de conscience. Hors c’est absolument faux, cela ne servira qu’à vous discriminer encore plus. Croyez moi, je vous parle d’expérience.

Lisez cet article si la notion d’illusion vous intéresse.

Vous ne pouvez pas changer l’autre, et ce même s’il est absolument idiot pour rester poli. Donc lâchez cette idée que vous allez pouvoir lui faire entendre raison. C’est installé depuis trop longtemps et ça fait appel à des mécanismes psychologiques très puissants qui ne sont pas sous votre contrôle.

Votre meilleur atout sera de garder un positionnement neutre et factuel. La rébellion fait appel à l’affect et déclenche chez l’autres des tas de mécanismes de défenses dont vous subirez les conséquences.

Par contre vous avez le choix de ne pas prendre, de ne pas réagir. Non pas pour vous écraser, mais pour rester plus fort, ne pas vous abaisser à un niveau d’échange et de relation vraiment immature et dénué de responsabilité professionnelle.

Demandez un rdv avec un cadre de santé, un cadre de pôle, un directeur des soins pour exposer cette situation. Soyez prudent sur la personnalité du professionnel. Mais vous savez toujours à qui vous pouvez faire confiance. Faites toujours un récit en parlant de vous, de ce que ça vous fait, de ce que vous pensez. Ne parlez jamais de l’autre, c’est une erreur qui pourrait vous placer dans une posture critiquante ou jugeante.

Dites que vous ne comprenez pas, que vous cherchez à éclaircir pour votre apprentissage.

Demandez des référentiels, des écrits, des protocoles.

Et gardez cette posture adulte et neutre.

L’autre peut s’énerver, critiquer, hurler, même insulter, c’est pas votre problème.

Il fait le choix de prendre la mouche et veut jouer au plus dur, c’est pas votre problème.

Il veut vous montrer sa supériorité parce qu’il se croit supérieur, c’est pas votre problème.

Comprenez bien que le choix qu’il fait ne vous appartient pas. Ce n’est pas votre problème. Vous, vous avez fait ce que vous jugiez juste, dans vos valeurs humaines et professionnelles. Vous êtes des adultes avant d’être des étudiants, et à ce titre on vous doit le respect. Vous pouvez le faire valoir calmement. Vous pouvez signifier à l’autre que vous n’acceptez pas qu’on vous parle comme ça. Et si ça remonte « au-dessus » et bien c’est avec courage que vous irez dire « au-dessus » que vous n’acceptez pas que l’on vous manque de respect. Vous tomberez à un moment alors sur quelqu’un qui vous soutiendra. Ce n’est pas parce qu’on se croit fort qu’on est le plus fort.

Je sais que ce n’est pas si simple, tellement plus facile à écrire. Mais ce que je voudrais vous transmettre dans cet article, c’est vraiment l’importance de la posture, de votre posture et du pouvoir que vous pouvez avoir dans cette posture adulte.

Vous ne vous écrasez pas, vous laisser l’autre s’exciter tout seul car ça ne vous concerne pas. Vous ne jouez pas à ce jeu là, vous êtes au dessus de ça. Quand l’autre vous critique, il ne parle que de lui. C’est fou mais c’est vrai. Vous lui renvoyer des tas de choses : frustrations, impuissances, échecs, erreurs, maltraitante, malveillance … et il vous tient pour responsable de tout ça. Mais ce n’est pas votre problème, c’est le sien. Vous n’y êtes pour rien si vous lui renvoyez son côté obscur donc ne le prenez pas pour vous.

Je vous propose cet article : Comment réagir face à des paroles ou des actes blessants.

Il est important d’écrire, de faire remonter des situations de soins auprès des cadres en qui vous avez confiance dans votre école, auprès de tuteurs ou de tout professionnel qui pourra vous écouter et entendre ce que vous avez vécu.

Souvent les étudiants que j’accompagne me dise :

« Mais à quoi ça sert de le dire. Ça ne changera pas les choses, la personne ne sera blâmée ou virée, elle va continuer et moi je risque d’être sanctionné(e). Je risque gros ….« 

Avec cette certitude, plus personne ne dit rien et tout le monde attend que ça passe. Mais pas du tout, il y a des situations où les étudiants sont témoins d’une extrême violence verbale ou même physique. Et si tout le monde se tait, tout le monde cautionne.

Imaginez que pour un service, deux étudiants d’une promo font remonter quelque chose. Puis l’année d’après 1, puis l’année d’après 3, au bout d’un moment va se créer une sorte d’antécédent qui va finir par alerter. Mais si tout le monde chaque année se tait et serre les dents pour passer au travers, alors tout le monde continue en toute impunité.

La violence ne se place pas sur une échelle. C’est comme s’il fallait attendre de recevoir une claque ou de subir des attouchements pour se sentir légitime à parler. Mais la violence c’est plein d’autres choses, d’autres actes, d’autres mots.

S’écraser ou parler ?

Regardez comme les livres qui sortent sur les conditions des étudiants en santé font grand bruit. On a l’impression de le découvrir et les professionnels disent : Mais ça a toujours été comme ça.

Ah bon ? Et vous avez fait quoi ? Vous avez dit quoi ? Rien …. Donc on créé des futures générations d’étudiants maltraités.

Le problème c’est que l’on regarde ce qui pourrait changer pour nous. Et donc on se dit : ce n’est pas la peine. Et bien oui, pour un semestre après c’est fini, pour 10 semaines après c’est fini, pour 3 ans après c’est fini, pour 1 an après c’est fini …. Mais après il y en a d’autres qui arrivent.

Alors si on ne réagit pas pour nous, faisons-le au moins pour nos petits frères et petites soeurs soignants qui arrivent derrière. Faisons-le pour que les choses changent dans le temps, pas seulement dans le présent. La maltraitance des étudiants en santé doit faire partie du passé.

Si l’on ne peut pas changer la vie, changeons le regard que l’on a sur elle

Sandra Meunier

Et bien moi j’ai envie de vous dire : Si l’on ne peut pas changer les choses, les gens, changeons notre façon d’agir.

Cynthia

Je vous propose une vidéo de ma chaine Youtube qui pourrait vous donner des pistes 🙂

2 Comments

  • Rambeloarisona

    Bonjour, tellement vrai ce que tu écris. J’ai vécu 2 expériences pareilles , dans 2 lieux de stages différents en 3ème année . Dans le 1er, je suis tombée sur une infirmière « interdite de ´élève », oui , ça existe , mais elle a fait un échange avec sa collègue et je me suis retrouvée avec elle. Humiliation devant la famille, les collègues , les patients. Tout le monde savait comment elle était mais n’osait rien lui dire. Sauf que moi, j’ai osé dire à la cadre le lundi suivant( ça se passait un vendredi soir), elle était convoquée le lendemain et elle s’est mis en arrêt maladie ensuite. Certains collègues faisaient des insinuations en blaguant que j’ai OSÉ , mais j’en ai pas pris ça pour un soutien mais pour un affront, car c’était comme si je caftais à la cadre .
    Le 2 ème stage était vraiment le summum. J’ai pris sur moi, c’était mon avant dernier stage donc forcément , je pensais à ma note de stage, Mon diplôme, j’ai fini par dire à la fille qui m’encadrait qu’elle était méchante , et la c’ était ma fête , la aussi , tout le monde savait que cette fille était horrible , elle faisait peur à tout le monde , et tout le monde faisait l’autruche . J’en ai parlé à mes amis, j’ai pris rendez vous avec mon responsable à l’école, et comme seule réponse unanime , on me disait ,il y a toujours un stage qui ne se passe pas bien. C’est considéré comme normal. Et moi, je dis NON. Non, ce n’est pas normal. Il n’est pas normal d’avoir peur quand on vient apprendre . On est là pour apprendre, donc il y a forcément des choses qu’on ne connaît pas, ce n’est pas parce qu’on est en 3 ème année qu’on connaît tout. Je tiens à dire que c’est un service de chirurgie que je n’ai pas choisi et le 1 et ( un peu compliqué le choix de stage a Poitiers).et comme tu disais au lieu d’ apprendre je n’ai rien fait. Presque rien retenu de ce stage . Résultat des courses, je n’aime pas le service de chirurgie . Aucun soutiens ni de la cadre qui m’ a renvoyé bouler quand je suis allée la voir ni les collègues de ce service.
    Tout ça pour dire , que il faut de la bienveillance pour transmettre nos savoirs . Et merci pour tout ce que tu fais pour les étudiants et les soignants . Et que oui, il faut faire remonter ce qui ne va pas .

    • Cynthia

      Merci pour ton commentaire et bravo pour ta posture ! Même si le résultat n’est pas celui espéré, il est très important pour ton équilibre intérieur que tu es pu verbaliser cette limite. Tu l’as fait pour toi et c’est le plus important. Je t’embrasse.

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