Marina a passé son enfance avec sa grand-mère. En fait c’est elle qui l’a élevée. 34 ans d’un amour transgénérationnel et fusionnel. Un amour fort qui amène Marine aujourd’hui face à une peur de taille … La peur de la perdre.
Mamie est hospitalisée depuis 5 jours. Tout va mal. D’abord elle commence par une fin de nuit aux urgences, seule dans un box elle va perdre ses repères. Quand Marina arrive, elle la retrouve presque déshabillée, perdue, ne sachant pas où elle se trouve. Sa culpabilité démarre ici. Elle a osé la laisser seule 4 heures aux urgences. Que s’est-il passé ?
Les poumons de sa mamie sont infectés, son coeur est fatigué. Le dernier scanner qu’elle a fait en ville lui retrouve des métastases hépatiques et pulmonaires d’un cancer dont on ne connait pas l’origine, son AVC récent la perturbe un peu. En résumé elle est très vulnérable.
Aujourd’hui elle ne se réveille presque pas. Elle semble être très fatiguée. La vie tient encore au bout de sa respiration mais pour combien de temps ?
Marina passe tous ses après-midis avec elle. Le matin elle travaille. La nuit elle essaie de se reposer. Elle a très peur de la perdre. Tiraillée entre l’envie de la maintenir en vie, même si ce n’est pas raisonnable, et l’envie de ne pas la voir souffrir. Se battre pour qu’elle puisse l’avoir encore à ses côtés, encore un petit peu.
Marina elle a besoin de savoir comment va sa grand-mère avant de s’endormir. Elle appelle dans le service pour avoir des nouvelles sur le début de soirée, même si elle a passé l’après-midi auprès d’elle. C’est comme ça, elle en a besoin. Cela calme son anxiété de la savoir bien.
Ce soir là elle appelle comme à son habitude. La soignante qui la reçoit lui dit qu’elle ne peut pas donner de renseignements par téléphone. Elle ne comprend pas. Marina souhaite juste savoir si elle a mangé un peu, si elle n’a pas mal, si elle va bien. Elle ne veut pas d’informations médicales. La soignante demande alors à l’infirmier qui est avec elle. Celui-ci, peu soucieux de l’écho de sa voix dans le téléphone, répond qu’il ne va pas commencer à donner des nouvelles pour tout les patients tous les soirs. Sinon il ne va pas s’en sortir.
Marina prend ça de plein fouet. Elle ne veut pas déranger, elle ne veut pas embêter. Elle demande juste qu’on puisse lui dire des choses simples. Et si ce n’est pas possible, qu’on puisse lui dire avec bienveillance.
Parfois le rythme effréné des journées ou des nuits, nous fait oublier combien les personnes qui sont loin de leurs proches aux heures où ils ont l’habitude de partager avec eux, ressentent le besoin d’entendre une ou deux phrases rassurantes, bienveillantes.
Parfois la tourmente des soins nous éloigne de quelque chose d’essentiel : être à l’écoute.
Marina est en train de perdre le pilier de sa vie, le soignant est est train de perdre 4 minutes sur sa nuit …
Parfois la tourmente des soins nous fait oublier que la priorité des actes ne réside pas toujours là où on le pense.
Cynthia
Défi N°2, article 26/30