Les médecins sont désemparés, ils ne savent plus quoi prendre comme décision. Elle est là, dans le coma, intubée, ventilée depuis 4 mois, depuis le soir où la voiture qui la ramenait de boite de nuit c’est encastrée dans un camion.
Elle n’a que 19 ans. Lorsqu’elle est arrivée en réanimation, il a fallu lui couper sa jambe droite. Elle était tellement abîmée qu’il n’y avait aucun espoir de sauver cette jambe.
Le problème c’est que semaine après semaine, le sang arrête de circuler dans ses membres. Elle fait ce que l’on appelle des nécroses. A la fois liées aux fortes doses de médicaments, à la fois liées aux traumatismes de l’accident.
L’équipe est désemparée, après sa jambe droite, elle perd sa jambe gauche.
Même si l’amputation est faite de manière à ce qu’elle puisse être appareillée, ce n’est quand même plus la même vie. Mais est-ce que cette vie va être sauvée ?
Ses parents, son frère se relaient jour et nuit. La musique, les photos, les enregistrements des amis. Tout est fait pour qu’elle ne perde pas le contact avec la vie qui continue autour d’elle.
Aujourd’hui les médecins ont convoqué les parents. Ils ont une mauvaise nouvelle. Il faut amputer le bras gauche car la nécrose s’étend trop et il faut la contenir. L’équipe ne sait pas quoi faire. Faut-il continuer à couper ses membres ? Faut-il arrêter et prendre le risque qu’elle meurt ? Jusqu’où va t’on ? Où est-ce que l’on s’arrête ? Quelle vie va t-elle avoir si elle s’en sort ? Sans jambe avec un bras en moins ?
Les parents sont anéantis. C’est tellement dur. Comment imaginer arrêter le combat ? C’est leur bébé, leur fille, leur chair ? Ils ne peuvent que se remettre à l’avis des médecins pour savoir jusqu’où aller. Eux ils ne parleront toujours qu’avec leurs tripes de parents …
Pour autant, ils témoignent de la force de vie d’Amandine. Amandine c’est une jeune fille qui croque la vie, qui se bat, qui aime la compétition et les challenges. Sa mère peut témoigner qu’elle aurait sûrement voulu relever le défi de gagner contre la nécrose galopante.
La décision est prise, Amandine sera amputée de son bras gauche.
Elle sera même amputée de son bras droit.
Pour l’équipe soignante, ce sera l’incompréhension. La perte de sens dans les soins qu’ils prodiguent tous les jours à Amandine.
S’occuper d’une jeune fille tronc de 19 ans, qui ne se réveille pas. Pourquoi ? Pour qui le fait-on ?
Quelle va être sa vie ensuite ? Pourquoi continuer ?
Personne n’arrive à prendre la décision d’arrêter, de débrancher Amandine. Si seulement elle pouvait nous parler, nous dire ce qu’elle veut. C’est tellement dur de décider pour autrui.
Chaque situation est unique, chaque fois une histoire de vie, chaque fois un être différent, chaque fois une décision singulière.
Amandine va se réveiller, au bout de 6 mois. Elle va relever le défi, elle va se rééduquer, s’appareiller. Chaque année à la date d’anniversaire de sa sortie de réanimation, elle vient embrasser l’équipe, la remercier.
Avec ses quatre prothèses elle a reprit sa vie, ses études, ses rêves et ses projets.
Elle remercie chaque année l’équipe de ne pas l’avoir abandonnée. D’y avoir cru. C’est une battante, sa mère avait raison.
Chaque être humain est différent et chaque décision qui se prend est dépendante de cette singularité. On ne peut jamais savoir à l’avance, mais peut-être peut-on faire confiance ?
Cynthia
Défi N°2, article 22/30
2 Comments
Incroyable cette force et cette envie de vivre!
Quand j’étais externe en chirurgie vasculaire (il y a 30 ans), un homme avait été amputé des 2 jambes et d’un bras suite à une artériopathie d’origine tabagique; en cachette, il ouvrait la fenêtre dans sa chambre et fumait avec le membre qui lui restait: mourir plus vite, ou se faire plaisir dans l’ignorance du temps à vivre restant?
Mystère …. 🙂