Les techniciens de l’infiniment petit

confiance en soin

Lorsque j’étais infirmière dans un centre de réhabilitation cardiaque, je m’occupais de personnes qui venaient d’être opérées à coeur ouvert. Il y avait aussi des patients qui venaient de recevoir une greffe cardiaque, et ceux qui attendaient leur « tour », branchés en permanence à un coeur artificiel. Celui-ci remplissait la mission du coeur d’origine, trop faible pour subvenir aux besoins du corps.

Un jour j’ai eu l’occasion d’aller passer une journée dans le bloc opératoire de chirurgie cardiaque, pour voir ce qui se passait avant que le patient arrive dans le service.

Je n’avais pas eu l’occasion pendant mes études de rentrer dans un bloc de chirurgie cardiaque. C’est dingue !.

Le patient est endormi sur la table d’opération. L’assistance nécessaire se met en place autour de lui. L’ambiance est plutôt détendue, le chirurgien n’est pas encore arrivé. Les soignants plaisantent, le stress ne semble pas pointer le bout de son nez.

L’interne prélève une veine dans la jambe, celle qui va servir à faire la déviation. En fait le patient a les artères coronaires bouchées. C’est à dire que le sang ne passe plus. Comme on ne peut pas enlever l’artère, il va falloir faire une déviation pour que le sang puisse continuer à circuler. Et cette déviation c’est la veine de la jambe qui va l’assurer.

Le chirurgien arrive, la cage thoracique du patient va s’ouvrir. Tel un coffre fort inviolable, il va falloir forcer la serrure pour découvrir le trésor.

Là, logé dans son écrin, le coeur est visible, il bat. Poum Pa, Poum Pa…. Les battements de la vie. Le premier son que l’on entend lorsqu’une sonde d’échographie se pose sur le ventre rond d’une femme. Ce rythme incessant qui berce la vie.

La circulation extra-corporelle se met en place. Une énorme machine qui va prendre le relai du coeur pendant toute l’opération. Il va l’oxygéner, le réchauffer, le faire circuler.

Attention …. Arrêt du coeur.

Incroyable, le coeur c’est arrêté et la vie est encore là. Le coeur ne bat plus et l’homme est vivant. C’est dingue.

Tel un bijoutier, un technicien de l’infiniment petit, il va coudre cette veine avant « l’éboulis » présent dans l’artère coronaire et il va la relier après « l’éboulis ». Je vous parle là d’un tuyau de 4 mm, qu’il faut coudre sur un autre petit tuyau de 3 mm, sur une distance de 2 cm environ…. Je vous parle de dimensions qui sont deux fois moins grosses que le doigt du chirurgien.

Avec du fil, une aiguille, patiemment, minutieusement, il va coudre l’infiniment petit, sur l’organe qui symbolise la vie, l’amour, l’émotion.

L’intervention est terminée. Tout c’est bien passé. Le silence qui s’est installé dans le bloc se relâche un peu.

Il faut faire repartir le coeur. Attention 5, 4, 3, 2, 1, décharge électrique…. Poum Pa, Poum Pa, Poum Pa…. Il repart doucement, les battements se relancent le coeur reprend sa fonction, le sang revient, la vie reprend dans son berceau d’origine. L’équipe peut respirer à nouveau, se détendre.

Incroyable de voir ce coeur s’arrêter et repartir, en ce disant que cet homme est resté vivant. Mais qu’a t-il vécu lui dans son corps ?

Cynthia

Défi N°2, article 20/30

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