La culpabilité est un sentiment qui ronge, qui épuise et qui détruit à petit feu. En temps que soignant, vous ne comptez plus le nombre de fois où vous êtes rentrés chez vous en vous disant ces phrases :
~ J’aurai pu m‘organiser autrement
~ Je ne suis pas faite pour ce service
~ Si j’avais vérifié, ça ne serait pas arrivé
~ Je suis vraiment trop nul(le), mes collègues arrivent à boucler le tour et moi jamais
J’aurai du, j’aurai pu, si j’avais su …. Toutes ces petites phrases agissent sur vous comme des gouttes d’acide sur la peau. Sans vous rendre compte, à intervalle régulier, elles tombent et forment une plaie, un trou qui fait mal et qui dévalorise.
Alors comment stopper cette culpabilité pour pouvoir rester dans son métier ou dans son service ?
Et bien en prenant conscience du mécanisme de cette culpabilité, de manière à mettre un caillou dans les rouages et enrayer la machine.
La culpabilité c’est quoi ?
Selon le Larousse, c’est un sentiment de faute ressenti par un sujet, que celle-ci soit réelle ou imaginaire.
Oui vous avez bien lu, réelle ou imaginaire. Croyez-moi, elle est souvent imaginaire !
Par où commencer ?
La première chose à se dire et à intégrer, c’est de se rassurer sur le fait que TOUT LE MONDE ressent de la culpabilité à un moment de sa vie. C’est quelque chose de normal quand on vit dans notre société occidentale, régie par des normes. Forcément, si nous ne correspondons pas à cette norme, selon notre éducation, notre milieu socio-culturel, nos croyances, nous allons être plus ou moins sensibles et empreint à ressentir ce sentiment de culpabilité.
Ce sentiment quand arrive-il ? Et bien il arrive quand on est convaincu que nos actes peuvent apporter le mal ou le bien, c’est à dire qu’ils peuvent enlever ou faire gagner à quelqu’un ou à soi-même quelque chose.
C’est à ce moment-là que la culpabilité apparait parce que l’on se sent coupable de lui avoir enlever ceci, de ne pas lui avoir donné cela, ou de nous être octroyés ceci ou cela. Tout cela n’est qu’illusion et ne peut exister que dans le code culturel donné dans le quel nous existons.
Pensez-vous que les personnes qui pratiquent des sacrifices pour des offrandes dans leurs croyances se sentent coupables ?
Pensez-vous que les polygames se sentent coupables ?
Non, simplement parce que ce sentiment de culpabilité n’est qu’une illusion ! Oui une illusion.
C’est cela qui nous pousse à imaginer que ce que l’on fait, a un impact défavorable sur les autres et du coup vous culpabilisez.
Première étape
La première chose à faire est de casser ce mécanisme en se disant : Mais comment cette expérience que j’imagine négative pour l’autre ou pour moi peut me servir à m’améliorer, à me perfectionner, à faire de moi quelqu’un de meilleur ?
Parce que l’important à ce moment-là n’est pas de comprendre si notre acte a pu causer des torts ou des dysfonctionnements, mais comprendre ce qu’il a permis ensuite ? Je dis tout le temps dans les cours que je donne aux étudiants infirmiers, il n’y a pas d’échecs dans le soin, il n’y a que de l’expérience. Vous n’échouez jamais, vous êtes en train d’acquérir de l’expérience professionnelle. C’est cette expérience qui vous permet de devenir année après année un meilleur technicien ou un meilleur soignant. C’est toute la différence entre un étudiant et un professionnel.
Comment peut-on espérer devenir meilleur sans erreur ?
Malheureusement notre école, notre société nous pousse à culpabiliser dès le plus jeune âge à ne pas avoir fait assez, à avoir eu une mauvaise note, à ne pas avoir réussi, à se comparer. Enfants vous pouvez avoir été punis pour ce que vous avez causé, jamais on ne vous aura aidé à comprendre ce que cette erreur vous aura permis !
Quand vous étiez (ou êtes) étudiants infirmiers, ce que l’on vous apprend c’est que toutes les difficultés que vous rencontrez viennent de vous et de votre comportement :
- Si vous souffrez, c’est que vous gérez mal vos émotions
- Si vous ne finissez pas votre tour, c’est que vous vous organisez mal
- Si le malade ne peut pas avoir tel ou tel soin c’est que vous ne l’avez pas bien préparé ou que vous n’avez pas bien anticipé.
Cela doit cessez dans votre tête.
La première étape est d’arrêter, dès la lecture de cette article, à nourrir l’illusion que vous auriez du réagir autrement ou que votre action a généré plus de désavantages que d’avantages.
Demandez-vous plutôt qu’est-ce que vous apprenez ? Qu’est-ce qui vous enrichi ? Comment cela vous a fait grandir ?
La deuxième étape
La deuxième étape est de lâcher toutes les normes que l’on vous a inculquées. Cassez ces normes, devenez créatifs SANS culpabilité. Je suis toujours très surprise du moule dans lequel notre pays essaie de faire rentrer les étudiants (et même les enfants). Le moulage est tellement efficace que lorsque les soignants sortent de l’école ils culpabilisent dès le début de ne pas faire ceci ou cela.
Pourtant, regardez autour de vous les soignants qui vous ont le plus inspiré, le plus impressionné ou même ceux qui vous ont donné l’envie de faire ce métier. Ce sont ceux qui sortent du cadre, ceux qui osent dire, faire, inventer …. Ceux là, qui ne se soucient pas des normes et bousculent les habitudes, sans crainte, sans culpabilité. Ces personnes permettent la réflexion, permettent l’évolution.
La deuxième étape est donc de lâcher les normes que l’on vous a imposé depuis le début. Parce que ces normes ne veulent rien dire. Elles apportent un sens dans une société donnée mais rien de plus. Ce que vous faites ici et que vous imaginez anormales peut s’avérer totalement normales dans un autre pays.
Cette norme est écrite par un autre être humain. Ce qui veut dire que l’on ressent de la culpabilité à ne pas respecter ce qu’un autre a décidé de mettre en place pour nous : Nos parents, nos grands-parents, notre Dieu, notre patron, nos collègues, notre cadre,…
ATTENTION, je ne dis pas qu’il faut devenir rebelle et asocial, je dis juste que l’on peut sortir de ces schémas lorsque cela est nécessaire SANS culpabilité.
La troisième étape
La troisième étape est de prendre ses responsabilités et de passer à l’action. Parce que souvent pendant que l’on culpabilise on ne fait rien, on ne met rien en place. On rumine, on ressasse, on se dévalorise mais on ne se dit pas qu’est-ce que je pourrais faire que je n’ai pas essayé ?
Prenez l’exemple d’une famille qui vous accuse de ne pas avoir pris soin de son proche hospitalisé, ou de collègues qui vous dises que vous êtes trop lent(e) ou pas assez rapid(e) et que vous laissez toujours du boulot, de la vaisselle, ou du ménage de chariot.
Vous avez deux façons d’agir :
– La première sera de vous dire qu’elles ont raison. Que de toute façon même pendant vos études vous n’y arriviez pas. En fait vous n’y êtes jamais arrivé(e) ! La pire erreur serait de commencer à les croire, à imaginer que ce que l’autre vous explique c’est la norme à suivre et que si vous ne rentrez pas dans cette norme ce n’est pas la peine de continuer. Et bien vous allez partir, changer de service, ou pire subir et atteindre le burn-out. Parce que vous aurez tellement collé à cette illusion, vous aurez tellement culpabilisé de ne pas y arriver, que vous allez vous dévaloriser et vous retirez.
– La deuxième est donc de se dire : C’est comme ça, je ne changerai pas le résultat qui est observé, mais qu’est-ce que je peux faire pour que cela évolue ? Qu’est-ce que je n’ai essayé ? Qu’est-ce qui pourrait débloquer la situation ? Est-ce que j’ai tout essayé ? Le constat reste un constat sans engagement supplémentaires. Mais votre façon de voir les choses va vous responsabiliser et vous permettre de passer à l’action.
Il vous reste des leviers à actionner pour chaque situation où vous vous sentez coupables. Vous passez ainsi de la culpabilité à la responsabilité. Vous devenez acteur et non victime de la situation.
La quatrième étape
La quatrième étape se nomme l’erreur ! L’erreur ou la peur de l’erreur. Notre société fait la chasse à l’erreur et nous élève dans l’illusion que quelqu’un de compétant c’est quelqu’un qui ne se trompe pas.
Pensez-vous que dans notre métier de soignant où l’on travaille avec l’humain, l’erreur n’a pas sa place ? Que la société n’accepte pas l’erreur dans les soins ou à l’hôpital ? Mais comment imaginer que l’on puisse devenir compétent sans faire d’erreur.
L’erreur permet de grandir, d’apprendre, de devenir meilleur.
Notre métier est en fait un sacerdoce ! Nous cumulons héritage religieux, illusion de puissance et de maîtrise de l’humain et de ses souffrances, injonctions sociétales d’être dévoués corps et âmes, formation faisant de nous des soignants identiques, moulés à ce que l’on attend d’un soignant efficace et compétant.
Je pense qu’avec tout cela, il sera difficile de ne pas culpabiliser !
Donc l’erreur est nécessaire, au delà d’être humaine, elle permet à quelqu’un de s’améliorer.
C’est sur que ce n’est pas agréable de vivre une erreur, mais ce n’est pas la peine de culpabiliser, au contraire, fêtez chaque erreur. Faites de vos erreurs des prétextes de fêtes, de restaurants ou de retrouvailles entre amis.
La cinquième étape
Et pas des moindres ! Je suis passée par là. Arrêtez de courir après un idéal de perfection. Lâchez l’illusion que vous pourrez être parfait et surtout être reconnu(e) parfait(e) par les personnes qui vous entourent. C’est impossible d’être un soignant parfait, un mari ou une femme parfaite, un parent parfait, un ami(e) parfait(e). IMPOSSIBLE.
Cette course à la perfection amène à coup sûr la culpabilité.
Vous êtes formidablement imparfait et c’est ça qu’il faut cultiver ! Comment pensez-vous que les défis et challenge se réussissent ? Et bien en faisant des erreurs et en se relevant.
Plutôt que de dépenser de l’énergie à être ou devenir une illusion, dépensez de l’énergie pour devenir un être humain imparfait, avec des qualités et des défauts et surtout des émotions.
David Laroche dit : « souvent, le plus gros problème que l’on a n’est pas d’avoir des problèmes mais de croire que l’on a des problèmes ».
Et donc de croire que la culpabilité est un problème. Or la culpabilité est un sentiment normal à qui il ne faut pas apporter beaucoup d’importance. Juste l’attention de se dire : OK la prochaine fois je vais m’y prendre autrement. Comment pourrais-je faire ?
Donc prenez soin de vous, envoyez-vous de l’amour. Je ne cesse de le répéter. Envoyez-vous de l’amour à chaque erreur parce que c’est OK.
Nous grandissons dans les grandes souffrances. L’homme a cette capacité à transformer une expérience très douloureuse en une source d’inspiration. Nous assistons tous les jours de notre position de soignants à ces ressources que les personnes mobilisent dans la maladie. Comment la culpabilité peut ronger et détruire le combat d’un malade. Et il en est de même pour nous.
Ce que je veux dire c’est que si parfois votre comportement ou vos mots ont pu blesser quelqu’un, pensez que peut-être il en ferra quelque chose et il grandira. Il a lui aussi le choix d’agir ou de rester passif.
Cela ne sert à rien de culpabiliser si l’on peut identifier ensuite que ce que l’on a dit peut faire évoluer la personne. Il ne s’agit pas de blesser volontairement, mais de regarder les choses différemment.
Cela vous évitera des tas de croyances qui vous limitent en permanences et vous fait culpabiliser de ne pas avoir respecter telle ou telle croyances …
Vous savez maintenant que vous me suivez depuis quelque temps combien je vous invite à changer le regard que vous portez sur les choses qui vous entourent et sur vos difficultés.
Parce que tout est une histoire de rapport de force. Dans la vie, il y a des moments où nous nous sentons vraiment très nul, et d’autres ou l’on se sent vraiment très fort. Dans l’un comme dans l’autre, l’excès amènera la culpabilité. Soit parce qu’on en a fait trop, et que ça nuit à l’autre, soit parce que l’on n’a pas fait assez et qu’on aurez pu faire plus.
C’est important de cultiver l’humilité, car elle aide à ne pas culpabiliser. Lorsque l’on se sent trop fort, on peut avoir des actes qui vont blesser ou bousculer et vous amener à culpabiliser ensuite. Lorsque l’on se sent trop nul, on culpabilisera de ne pas être assez fort.
Donc l’excès est dangereux, et je vous invite à vous accepter comme vous êtes, à vous envoyer de l’amour et vous dire que c’est OK, que la prochaine fois vous ferez autrement, mais que ce n’est pas la peine de CULPABILISER. Personne n’est parfait je vous le rappelle.
La culpabilité ronge, épuise, dévalorise et surtout vous emmène à vous détruire. Il vous faut trouver l’autre chemin, celui qui vous permettra de comprendre pourquoi vous avez fait ceci ou cela. Quelle intention positive avez-vous derrière ?
Quand je parle de la maltraitante institutionnelle lorsque je donne des cours, je dis souvent que c’est le résultat d’un empilement de bonnes intentions, qui finissent par violenter plutôt que de prendre soin. Si vous réfléchissez bien, chaque professionnel fait une chose en pensant que cela sera bien pour l’autre : un protocole, un ordre, une action, une organisation, une mesure, une lettre de service….
Alors plutôt de culpabiliser quand on réalise que cela a nui à quelqu’un plutôt que de l’aider, posons-nous la question de l’intention qu’il y avait derrière. Quelle était notre intention au départ ? …. Oui c’est bien ça, vous avez trouvé, l’intention de départ était une BONNE intention. Il n’y a donc plus qu’à trouver un autre chemin pour atteindre cette intention.
Si je résume :
~ La culpabilité nous en ressentons tous et c’est OK
~ Prenez de la distance avec les codes et les normes sociétales et professionnelles.
~ Passez à l’action, ne rester pas là à ruminer. Passer de responsable à victime.
~ Comment pourrais-je faire mieux la prochaine fois ? Mon erreur me permet de devenir meilleur et de progresser, de gagner en expérience.
~ Envoyez vous de l’amour, aimez vous et focalisez vous sur les intentions positives qui vous ont poussé à passer à l’action.
Vous êtes tellement plus grand que votre corps !!!
Cynthia M