Elle a juste 40 ans, n’a jamais fumé, et pourtant c’est bien le cancer du poumon qui est venu se loger là, dans ses deux réservoirs d’oxygène.
Mais quelle injustice, quelle colère et quelle douleur de devoir affronter cette épreuve. Elle a 2 garçons de 14 et 3 ans, un mari doux, présent et soutenant.
Pendant 2 ans, elle se bat comme une lionne. Entre la chimio, l’opération, la radiothérapie, elle ne lâche rien, pour elle, pour eux. Elle vit 2 rechutes, mais elles se relèvent. Continue d’avancer encore plus vite pour que le crabe ne la rattrape pas. Chaque métastase qui apparait est un prétexte pour continuer le combat.
Elle est belle, de grands yeux bleus. Elle élabore avec une grande lucidité et un grand recul ce qui lui arrive. Elle prépare son départ, la suite, les enfants, son homme.
Comment ne pas s’attacher à elle, elle pourrait presque devenir une amie avec qui on irait boire un verre après le boulot.
Les métastases cérébrales la transforment. Petit à petit elle perd sa motricité. Tous les gestes sont plus lents, plus laborieux, plus difficiles.
Puis c’est au tour de la marche et de l’équilibre de lui jouer des tours. Elle perd la sensibilité de ses jambes, de son bassin.
Puis ce sera la vue, elle va progressivement se murer dans son corps, se couper des images de la vie. Mais elle est encore et toujours là.
Le temps arrivera des troubles du comportement, liés à ses métastases. Parfois en larmes, parfois agressive, parfois riant, parfois oubliant le temps qui passe. Jamais les soignants qui l’ont connue et qui l’aiment tant ne lui en tiendront rigueur.
Un jour, alors que nous discutions dans la chambre, entre femme avec ma collègue toubib, nous arrivons je ne sais plus comment à parler de la féminité.
Elle nous dit rêver d’un bain puis d’un massage. En rigolant nous lui demandons si elle souhaiterait un massage sensuel ? érotique ?
Contre toute attente elle nous répond : » Oh ce serait merveilleux »
– Ça vous manque ?
– Énormément !
– Vous aimeriez ressentir encore ses sensations charnelles ?
– Oui (elle rit) j’adorais ça….
– Quoi l’orgasme ?
– Ben oui, c’est quand même le truc le plus trippant d’une vie non ?! (éclats de rire)
– Vous aimeriez le vivre encore une fois ? Peut-être en solitaire ?
– Oui mais je ne sens plus rien, c’est fini, mes sensations ont disparu depuis longtemps, depuis les métastases au cerveau.
Quelle réalité et quelle douleur. Réalité parce que je me rends compte que dans les combats contre la maladie, on oublie que nous sommes avant tout des êtres humains, animés de désirs. La maladie nous vole ces désirs et à qui en parler ? Les soignants si ouvert le sont-ils vraiment ? Reconnaissons-nous ces hommes et ces femmes jeunes comme des êtres pouvant encore éprouver l’envie d’une vie sensuelle, sexuelle ?
Comment les aider ? Libérer la parole serait peut être une piste.
Finalement, c’est un besoin comme un autre ….
Cynthia
Défi N°2, article 9/30