Lorsque sa voisine le découvre inanimé dans le salon, elle appelle le SAMU. Lorsqu’ils arrivent la réanimation cardio-respiratoire est démarrée, il est en arrêt. Ils arrivent à faire redémarrer le coeur, direction le service de soins intensifs de cardio.
Contre toute attente, il se réveille sans séquelles, comme s’il s’était cassé une jambe… Quelle chance. Il a 68 ans. Encore des années devant lui. Les docteurs ont tout fait pour lui donner toutes ses chances. Tout ce que permet la médecine occidentale. Il a bénéficié gratuitement du top du top des soins d’urgences. Et maintenant il est vivant.
Son état se stabilise, direction le service de médecine de cardio. Il est stable mais imbuvable. Les soignants sont gentils, serviables, font de leur mieux. Ils se font envoyer « bouler » à chaque fois. Il n’est pas souriant, ça encore passons, mais il est impoli, voir odieux :
« Vous me faites chier, sortez de ma chambre, j’en veux pas de vos cachets de merde, c’est déguelasse ce que vous me servez, je me laverai pas, je veux voir personne…. »
Très difficile pour les soignants. C’est vrai notre métier c’est de soigner, de faire au mieux pour que l’autre récupère son état de santé. Mais que faire quand ils ne veulent pas se soigner ? Quand ils ne veulent pas de notre aide. Difficile de pas le prendre pour soi, contre soi. L’empathie est compliquée à garder.
Un matin, il dit au médecin :
« Moi ce que je veux c’est que l’on m’endorme jusqu’à ce que je meurs, ce que je vis est intolérable, je suis grabataire, un vieux dépendant et je ne veux dépendre de personne. C’est insupportable pour moi cette faiblesse. Endormez moi »
Ah oui quand même…. Il y a de la souffrance dans ce corps….
Il a même rajouté : « Vous n’auriez jamais du me réanimer ».
Quand mon équipe et moi le rencontrons, c’est bien sur dans le cadre de sa demande de dormir, ce qui se rapproche d’une demande d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cadre d’une souffrance réfractaire qui est intolérable au patient.
Il ne le sait pas, mais il vient de faire une demande que le droit français autorise.
Ce monsieur, restant fidèle à son caractère, pourra verbaliser sa souffrance, sa solitude. Il n’a pas de famille. De toute façon il le dit, il n’aime pas les gens, il ne les a jamais aimé. Devenir dépendant d’autres personnes lui est intolérable, ce n’est pas lui, ce n’est pas sa vie.
Souvent, majoritairement, les bons soins sont donnés à des personnes qui le désirent. Quelle complexité dans cette rencontre de l’accompagner alors que tout ce qui lui est proposé lui est intolérable. Et plus les soignants l’aident, plus il est désagréable, plus ils prennent soin de lui, plus cela lui est insupportable….
Posons-nous la question de ce qui se passe lorsqu’un patient est agressif, méfiant, méchant…. Cela n’est quasiment jamais contre nous, mais surtout contre lui et contre ce qui lui arrive. Que pouvons nous faire à l’insupportable de l’autre ? Rien, il faut juste l’accepter et comprendre que cela ne nous est pas destiné.
Mmmmm …. pas facile
Cynthia
Défi N°2, article 7/30
Il n’est jamais content
Lorsque sa voisine le découvre inanimé dans le salon, elle appelle le SAMU. Lorsqu’ils arrivent la réanimation cardio-respiratoire est démarrée, il est en arrêt. Ils arrivent à faire redémarrer le coeur, direction le service de soins intensifs de cardio.
Contre toute attente, il se réveille sans séquelles, comme s’il s’était cassé une jambe… Quelle chance. Il a 68 ans. Encore des années devant lui. Les docteurs ont tout fait pour lui donner toutes ses chances. Tout ce que permet la médecine occidentale. Il a bénéficié gratuitement du top du top des soins d’urgences. Et maintenant il est vivant.
Son état se stabilise, direction le service de médecine de cardio. Il est stable mais imbuvable. Les soignants sont gentils, serviables, font de leur mieux. Ils se font envoyer « bouler » à chaque fois. Il n’est pas souriant, ça encore passons, mais il est impoli, voir odieux :
« Vous me faites chier, sortez de ma chambre, j’en veux pas de vos cachets de merde, c’est déguelasse ce que vous me servez, je me laverai pas, je veux voir personne…. »
Très difficile pour les soignants. C’est vrai notre métier c’est de soigner, de faire au mieux pour que l’autre récupère son état de santé. Mais que faire quand ils ne veulent pas se soigner ? Quand ils ne veulent pas de notre aide. Difficile de pas le prendre pour soi, contre soi. L’empathie est compliquée à garder.
Un matin, il dit au médecin :
« Moi ce que je veux c’est que l’on m’endorme jusqu’à ce que je meurs, ce que je vis est intolérable, je suis grabataire, un vieux dépendant et je ne veux dépendre de personne. C’est insupportable pour moi cette faiblesse. Endormez moi »
Ah oui quand même…. Il y a de la souffrance dans ce corps….
Il a même rajouté : « Vous n’auriez jamais du me réanimer ».
Quand mon équipe et moi le rencontrons, c’est bien sur dans le cadre de sa demande de dormir, ce qui se rapproche d’une demande d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès dans le cadre d’une souffrance réfractaire qui est intolérable au patient.
Il ne le sait pas, mais il vient de faire une demande que le droit français autorise.
Ce monsieur, restant fidèle à son caractère, pourra verbaliser sa souffrance, sa solitude. Il n’a pas de famille. De toute façon il le dit, il n’aime pas les gens, il ne les a jamais aimé. Devenir dépendant d’autres personnes lui est intolérable, ce n’est pas lui, ce n’est pas sa vie.
Souvent, majoritairement, les bons soins sont donnés à des personnes qui le désirent. Quelle complexité dans cette rencontre de l’accompagner alors que tout ce qui lui est proposé lui est intolérable. Et plus les soignants l’aident, plus il est désagréable, plus ils prennent soin de lui, plus cela lui est insupportable….
Posons-nous la question de ce qui se passe lorsqu’un patient est agressif, méfiant, méchant…. Cela n’est quasiment jamais contre nous, mais surtout contre lui et contre ce qui lui arrive. Que pouvons nous faire à l’insupportable de l’autre ? Rien, il faut juste l’accepter et comprendre que cela ne nous est pas destiné.
Mmmmm …. pas facile
Cynthia
Défi N°2, article 7/30
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