Euthanasie, suicide assisté, la législation en Belgique

l'euthanasie du poisson rouge

De quel insupportable parle t’on lorsque l’on demande à mourir ?

Épisode 1/6

Avant de réfléchir un peu sur le sujet, prenez le temps de lire ces quelques lignes pour définir ce que veulent dire tous ces mots. Savoir de quoi on parle permet de ne pas dire n’importe quoi et de ne pas croire n’importe qui. Euthanasie ou suicide assisté, des mots pleins de croyances mais qui ont un sens très précis. Avant de découvrir la législation en Belgique, prenons le temps de savoir de quoi parlons-nous.

L’EUTHANASIE :

L’Encyclopédie Hachette multimédia (EHM) rappelle que le mot « a été créé par le philosophe anglais Francis Bacon, qui estimait que le rôle du médecin était non seulement de guérir, mais d’atténuer les souffrances liées à la maladie et, lorsque la guérison était impossible, de procurer au malade une « mort douce et paisible »
L’euthanasie (du grec ancien : ευθανασία : ευ, « bonne », θανατος, « mort ») désigne le fait d’avoir une mort douce, que cette mort soit naturelle ou provoquée.
Vous imaginez le sens de ce mot ! Comme si une mort pouvait être douce et apaisée. C’est un fantasme du vivant d’imaginer mourir doucement et paisiblement. La mort est toujours quelque chose de violent. Physiquement ou psychiquement ou émotionnellement.
Nous pouvons rajouter qu’une euthanasie, c’est une demande faite à un autre. Cet autre va mettre fin à mes jours en m’injectant quelque chose. L’euthanasie implique donc un tiers.
Je vous pose la question : Êtes-vous prêt à tuer un autre être humain parce qu’il vous le demande ?

LE SUICIDE MÉDICALEMENT ASSISTÉ ou AIDE AU SUICIDE :

J’insiste sur médicalement assisté car nous parlons là de professionnels de santé qui mettent à disposition d’un malade vivant une situation jugée intolérable, un moyen pour abréger sa vie.
Le suicide médicalement assisté, c’est un soignant qui va mettre à ma disposition, un moyen pour que MOI je décide QUAND je veux mettre fin à mes jours. Cela peut-être la mise en place d’une perfusion et j’ouvre la molette, la mise à disposition d’un cachet que j’absorbe quand je veux. C’est le patient qui « déclenche » le moment de sa mort.
Voilà, maintenant que vous savez de quoi on parle, je vais pouvoir passer aux explications un peu plus subtiles sur ce qui se passe chez nos voisins frontaliers et chez nous.  Parce que là encore, tout le monde parle de tout et n’importe quoi.

Chaque année son lot de situations humaines insoutenables rapporté dans les médias. Chaque année des hommes et des femmes partent en suisse ou en Belgique pour avoir rendez-vous avec une mort programmée. Chaque année des hommes et des femmes « bien portant et bien vivant » se battent pour que les autres, les « mal portant et les mal vivant » puissent avoir accès à l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté. Chaque année, au nom de la dignité, des hommes et des femmes se battent pour le droit de mourir. Chaque année, au nom de la dignité, des hommes et des femmes se battent pour le droit de vivre.
Les grands débats qu’il y a eu dans le cadre des états généraux sur les lois de bioéthique début 2018 en France, ont remis sur le devant de la scène l’éternel débat :
Pour ou contre l’euthanasie ? Pour ou contre une légalisation ?
Pour y réfléchir, je vous propose cette série d’articles pour essayer de mieux comprendre et donc d’y voir plus clair sur ce qui est aujourd’hui un un grands débat dans notre société moderne. Débat qui porte sur une des plus grandes peur de l’homme : la mort.

Bienvenue dans le premier article, installez-vous confortablement, prenez un café ou un thé, attachez votre ceinture et partons à la rencontre d’un événement des plus fascinants et des plus angoissants pour l’homme : La mort.

Quand on parle du souhait de mourir, de quoi parle-t-on ? :
  • De dignité ?
  • De mort ?
  • D’euthanasie ?
  • De suicide médicalement assisté ?
  • De droit ?
  • De volonté ?
Sûrement de tout cela à la fois.
Sachez déjà que l’euthanasie ou le suicide médicalement assisté n’a JAMAIS été LÉGALISÉ. Il est simplement DÉPÉNALISÉ, ce qui ne veut absolument pas dire la même chose. Pourquoi ? Parce que les gouvernements en place dans ces pays n’ont pas souhaité légiférer et encadrer en légalisant, ils ont préféré dire qu’ils toléraient ces pratiques en s’engageant à ne pas poursuivre pénalement les soignants et les patients. Ils ont donc opté pour une dépénalisation.
Dépénaliser : Soustraire (une infraction, une action) à la sanction du droit pénal.
Légaliser : Rendre légal.
Première subtilité que peu de personnes connaissent.

Parlons maintenant du pays concerné par l’épisode 1 de cette série d’article.

LA BELGIQUE 

Chez nos voisins belges, c’est l’euthanasie qui a été dépénalisée. La loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie est celle qui règlemente cette pratique médicale.

Ce qu’elle dit pour les patients :

Pour les personnes conscientes en phase terminale :

La personne qui est demandeuse, doit faire état de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable;
  • La demande doit se faire de manière volontaire, réfléchie et répétée, sans pression extérieure. Elle est consignée par écrit;
  • Le médecin a consulté un autre médecin indépendant et compétent qui rédige un rapport reprenant ses constatations;
  • Le médecin a discuté de la demande de son patient avec l’équipe soignante et ses proches si celui-ci le demande;
  • Depuis 2014, la Belgique est le premier pays a autorisé l’euthanasie chez les mineurs sans limite d’âge. Ces enfants doivent être capable de discernement et souffrir de pathologies graves entrainant des souffrances physiques insupportables. Il faut alors l’accord des 2 parents et l’autorisation d’un médecin qui évalue le discernement. (1)

Pour les personnes conscientes qui ne sont pas en phase terminale, deux conditions s’ajoutent :

  • Le médecin doit consulter un deuxième médecin indépendant, psychiatre ou spécialisé dans la pathologie concernée;
  • Le délai de réflexion entre la demande écrite du patient et l’acte d’euthanasie est d’au moins un mois.(1)

Pour les personnes inconscientes :

  • La situation est irréversible selon l’état actuel de la science; elle est atteinte d’une affection accidentelle ou pathologique, grave et incurable, elle a rédigé et signé une déclaration anticipée d’euthanasie; cette déclaration est valable 5 ans et peut désigner une ou plusieurs personnes de confiance chargée de dire la volonté du patient;
  • Le médecin a consulté un autre médecin indépendant;
  • Le médecin a discuté de la déclaration anticipée avec l’équipe soignante et les proches éventuels

Ce qu’elle dit pour les soignants :

Le médecin doit d’après la loi, respecter un délai de réflexion. Il se doit aussi de demander de manière répétée en consultation, la volonté du patient.
Dans un premier temps, il se doit de proposer des thérapeutiques ou des soins palliatifs pour trouver une alternative à l’euthanasie. Il doit discuter avec lui de e qu’offre les traitements spécifiques.
Il se doit de solliciter un deuxième avis dont le but est de juger du caractère grave et incurable de la pathologie.
L’acte d’euthanasie peut se faire dans un établissement de soin ou au domicile.
L’euthanasie se déroule par une injection d’un produit létale par voie veineuse.
Après l’intervention euthanasique, le médecin remplit les deux volets du formulaire destiné à vérifier la légalité de l’acte accompli.(1)
Oui vous avez bien lu, APRÈS la commission se prononce toujours à postériori.
Elle se compose de 16 membres effectifs et de 16 membres suppléants, médecins, philosophes, juristes ainsi que des membres issus des milieux chargés du suivi de patients atteints d’une maladie incurable. Cette Commission opère un contrôle a posteriori sur le respect des conditions et des procédures prévues par la loi sur l’euthanasie. À cet effet, elle examine le volet anonyme des formulaires remplis par les praticiens qui ont procédé à l’euthanasie. Si la Commission estime que les conditions n’ont pas été respectées, elle ouvre le second volet, nominatif celui-là, et, par décision prise à la majorité des deux tiers, renvoie le dossier au procureur du Roi du lieu du décès du patient. (2)
En toute hypothèse, la loi prévoit également une « clause de conscience », en précisant qu’aucun médecin n’est tenu de pratiquer une euthanasie et qu’aucune autre personne n’est tenue d’y participer (article 14 de la loi) (3)

En quelques chiffres :

Depuis 2002, ce sont 12.726 personnes qui ont été euthanasiées en Belgique. Les chiffres pour les deux dernières années (2014 et 2015) sont respectivement de 1928 cas et 2022 cas.(4)
Et 3 enfants de 9, 11 et 17 ans depuis 2014. (4)
Ce qui me parait intéressant de poser là, ce sont les critères d’inclusions de cette loi :
« Doit faire état de souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. Consciente ou inconsciente »
Cela veut dire qu’une personne qui a une maladie mentale, un handicap lourd, une démence évoluée peut demander à mourir. Et qui pose la limite du discernement ? A partir de quand un autre peut juger que celui qui est malade vit quelque chose d’insupportable ?
Est-ce que cela n’est pas la porte ouverte vers une dérive qui serait la recherche inconsciente d’une forme de vie parfaite, c’est-à-dire autonome, libre, dotée de moyen d’expression, indépendant, en bonne santé, jeune….
Est-ce que le risque n’est pas petit à petit de « faire disparaitre » les vieux, les handicapés, les malades mentaux, les enfants malades … Je suis volontairement provocatrice mais où pose-ton la limite d’une vie « digne » d’être vécue ?
Est-ce que si nous ne ressemblons pas aux critères de la normalité, nous allons forcément souffrir ?
Pour renvoyer de la souffrance il faut un effet miroir. C’est-à-dire quelque chose qui va absorber l’image et la refléter. Qui renvoie cette souffrance ?
La société ?
Une offre de soin insuffisante ?
Une incapacité à être autonome malgré ses déficiences ?
Pourquoi à un moment donné un être humain décide que sa vie de vaut pas la peine d’être vécue ?
Parce qu’il souffre dans son corps ?
Parce qu’il ne peut plus faire ce qu’il faisait avant ?
Parce que les pertes qu’il vit sont trop soudaines et trop violentes ?
Et si notre société moderne, éloignée de ses racines, de sa culture, de ses rites ne laissait plus de place à la différence ? À la différence physique, psychique ? Si notre société n’arrivait pas à faire de place à ces personnes-là ? Dans le monde du travail, à l’école, dans la rue, dans les magasins….
« La question de l’euthanasie pour maladies psychiques a également soulevé beaucoup d’interrogations puisque la Commission a bien approuvé 10% des cas d’euthanasies pour maladies psychiques, de personnes qui n’étaient donc pas en fin de vie. « Comment pouvez-vous être sûr qu’il n’y avait aucune perspective d’amélioration ? », a ainsi demandé Els Van Hoof. Dans plusieurs cas, il semblerait, a poursuivi la députée, que vous outrepassiez le rôle d’évaluation qui est le vôtre, et que vous vous arrogiez le rôle du législateur en interprétant et fixant les limites de la loi. La Députée CD&V a pris l’exemple des 67 euthanasies de personnes qui n’avaient plus conscience d’elles-mêmes. Etaient-elles toutes dans le coma ? » (5)

 

Veut-on répondre à son insupportable à lui ou à notre insupportable à nous de le voir ainsi ?
Je pense que la Belgique nous offre là le moyen de réfléchir à quelle souffrance on fait référence lorsque quelqu’un veut mourir ?
La souffrance physique ? Qui peut exister réellement et pour laquelle la médecine a des limites thérapeutiques. Certaines douleurs réfractaires sont impossibles à contrôler.
La souffrance psychique ? D’être malade ? D’être dépendant ? D’être seul ? D’être inutile ? D’être victime du regard des autres ?
La souffrance émotionnelle ? D’être un poids pour ses proches ? De se retrouver sans son travail ? Sans certains amis ? Parfois même sans conjoint ?
« Dans le même sens, Catherine Fonck, a regretté que la Commission approuve des euthanasies sur base d’une souffrance future. La loi parle d’une souffrance réelle et actuelle, et non d’une souffrance à venir ».(5)
C’est très intéressant car on assiste là à une projection des souffrances futures et non réelles. On entend souvent : Je veux partir avant de souffrir. Mais cette projection est différente pour chacun, elle relève de l’imaginaire et donc de quelque chose qui n’est pas fondé. Cela fait peur
Certainement qu’il y a des souffrances que rien ne peut soulager.
Certainement qu’il y a des situations humaines où la mort est une délivrance.
Mais je dirai attention à la projection. Attention à la projection de ce qui pourrait être insupportable pour nous, soignants, citoyens. Attention à ne pas nous projeter dans ce qui nous parait intolérable pour nous si nous étions à leur place. On pourrait penser qu’il serait plus facile de faire disparaitre cet intolérable plutôt que de le regarder en face ou de l’affronter.
Je vous invite à lire mon article qui peut nourrir ce questionnement : Le patient, cet autre qui pourrait être mon ami
Je vous mets  un extrait de la conclusion du CCNE suite aux états généraux de la bioéthique sur la fin de vie (je vous en mettrai plusieurs dans les différents articles) :
« La majorité des associations spécialisées dans l’accompagnement de personnes en fin de vie interrogées, plusieurs institutions (académie de médecine conseil national du barreau, défenseur des droits), et  les familles spirituelles et/ou religieuses auditionnées (catholicisme, protestantisme, judaïsme, islam, bouddhisme), ont quant à elles exprimé leur opposition à une légalisation de l’assistance au suicide et/ou l’euthanasie, souhaitant que soit maintenu l’interdit civilisateur de donner la mort.
 
Le désir de mort, disent-elles, s’évanouit quand la prise en charge de la douleur est optimale. Elles mettent l’accent sur ce qui se vit dans les derniers moments d’une personne et sur l’importance de la relation avec elle, de la part des soignants, de la famille, de la société, reviennent sur l’importance de développer à leur endroit «des valeurs d’humanité, d’attention et de sollicitude» : «La vulnérabilité de personnes –jeunes et moins jeunes – en situation de dépendance et de fin de vie -appelle non un geste de mort, mais un accompagnement solidaire». La demande d’euthanasie de la part d’un patient «à la fois marginale, fluctuante et ambivalente n’est-elle pas davantage le miroir de nos échecs à poser un regard bienveillant et à nouer un lien fraternel que l’expression d’une véritable autonomie ?». » (6)
 

Je vous laisse méditer là-dessus et je vous donne RDV pour

l’épisode 2 la semaine prochaine.

Méditation

Si vous avez besoin d’un peu de sourire et de joie ♥

Source bibliographique :
1- https://www.health.belgium.be/fr/sante/prenez-soin-de-vous/debut-et-fin-de-vie/euthanasie
2- https://www.ieb-eib.org/fr
3- http://www.ejustice.just.fgov.be
4-  https://www.ieb-eib.org/fr/pdf/20161019-analyse-rapport-euthanasie-2016.pdf
5- https://www.ieb-eib.org/fr/bulletins/la-loi-euthanasie-en-belgique-doit-etre-evaluee-en-profondeur-413.html#sujet1200
6- https://etatsgenerauxdelabioethique.fr

2 Comments

  • Sabine

    Voilà un sujet qui resonne en chacun de nous, à tous niveaux, pour moi il resonne également avec ce qu’il s’est passé il y a peu, notre petit Raphaël.
    Tu poses de bonnes questions qui amènent d’autres questions et d’autres réflexions. Peut être ces questionnements vont ils apaiser mon âme…
    Hâte de lire les articles suivants ????

    • Cylie

      Peut-être que ça n’apaisera pas ton âme sûrement d’ailleurs. Mais réfléchir oui pour ce que l’on souhaite… Accepte ton âme telle qu’elle est aujourd’hui… Demain est un autre jour.

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