Elle a plus de 75 ans, elle a 8 enfants, elle vit autour d’eux et de ses petits-enfants. La vie s’écoule doucement, elle profite de ce temps qui semble se rallonger année après année. Elle apprend à savourer la chaleur d’un rayon de soleil, la douceur d’un matin, le bruit de la pluie qui tombe.
Depuis 1 an elle mange moins, normal, elle vieillit, l’appétit aussi. Elle a un peu de difficulté pour parler, certainement les articulations qui grincent. Elle est fatiguée aussi, mais une sieste n’a jamais fait de mal à personne.
Pourtant son corps se raidit. De jour en jour le shampoing devient plus compliqué, voir impossible, la mâchoire n’en fait qu’à sa tête et obéit moins.
Elle perd trop de poids donc direction le médecin de famille. Une batterie d’examen est lancée. Le diagnostic finit par tomber au cours de l’hospitalisation en neurologie. La sclérose latérale amyotrophie…. Connue aussi sous le nom de maladie de Charcot. Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi à cet âge là le bon Dieu vient-il me mettre ça sur ma route ? Franchement je lui dirai à lui là haut quand j’y serai que c’est moyen comme épreuve à mon âge …
Bref, comme toute personne « cocoonée » chez elle, avec ses habitudes ancrées au fil des années, l’hospitalisation n’aide pas à garder ses repères. Entre les soignants qui changent tout le temps, les journées qui se suivent, les examens, l’ennui… Elle veut rentrer chez elle, elle perd patience.
Une nuit elle fait son sac. Elle veut partir. Les soignants ont peur qu’elle fugue. Elle se mettrait en danger toute seule dans la rue. Alors ils essaient de la rassurer, de rester avec elle, de la raisonner. Rien n’y fait. Elle a décidé de partir, là de suite à 23H45. Que faire ? Comment faire ?
LE SAMU arrive, tant pis il faut prioriser l’urgence. Un AVC, il faut aller vite. Plus personne pour rester auprès de cette mamie pleine d’angoisse. Il faut trouver une solution. On attache la porte le temps d’accueillir le patient en urgence. L’attacher elle serait tellement traumatisant. Mais elle se débat et veut sortir. Sa main glisse de la poignée et elle tombe en arrière.
Heureusement pas de mal, mais quel traumatisme. Elle n’est plus raisonnable, la parole ne sert à rien.
Alors comment fait-on ? Et bien elle finira attachée, « contentionnée » comme on dit. Pas longtemps, 1h, mais c’est pour son bien. Pour pas qu’elle se retrouve dans la rue à 1h du matin. Elle n’est pas perfusée alors les cachets par voie veineuse pour la calmer c’est compliqué. Elle refuse toute prise de médicaments par la bouche….
Pourtant c’est pour son bien. Mais le bien de qui ? Le respect de quoi ? La réglementation imaginée par qui ? Ceux qui protocolise, qui réduise le personnel la nuit, peut-être ont-ils une idée ?
Cette dame est devenue mutique après sa nuit. Un traumatisme qui aurait pu certainement être évité.
Comment dans une volonté de bienveillance, un soucis de protection de l’autre, nous pouvons nous retrouver à faire des gestes qui sont au final malveillants, voir violents.
La patiente, cette victime collatérale de notre système… Nous sommes les derniers remparts de l’humanisation des soins. Aujourd’hui j’ai envie de vous dire, ne cédons pas.
Cynthia.
Défi N°2, article 10/30