Premiers sur les lieux, circulez il n’y a rien à voir

premier sur les lieux. Urgences

Les accidents de la voie publique sont parfois violents, traumatisants, choquants. Lorsque nous voyons les images dans les journaux ou à la télévision, c’est déjà dur. Les reportages sont difficiles, les images chocs.

Pourtant il est rare d’entendre parler de ces soignants, premiers arrivés sur les lieux.

Ce soir là, 3 jeunes filles remontent le long du trottoir de la faculté. Il fait déjà nuit, mais l’air est chaud. C’est le début de l’été.  Elles rejoignent des amis un peu plus haut pour boire un verre. En cette période de partiel, les temps de détente sont rares et il faut savoir les apprécier.

Soudain, un véhicule déboule à toute allure sur la montée de la faculté. Les filles dans le viseur, les trois gars ont sûrement voulu faire les « kakous ». Ils prennent le virage et la voiture dérape. Elle vient faucher à plus de 90 km/h les trois jeunes filles qui marchaient sur le trottoir.

Un appel arrive au central de la régulation du SAMU. Ce SAMU que l’on critique beaucoup en ce moment. Accident critique, très gros blessés, les pompiers sont partis il faut une grosse équipe. Ma collègue médecin est dans la première voiture. 20 minutes après l’appel ils sont sur les lieux.

La voiture est complètement déchiquetée, elle a percuté un arbre. Où sont les corps ? Une jeune fille semble inanimée sur le sol, mais son corps est bizarre, il lui manque une jambe, son thorax est enfoncé. Premiers gestes de réanimations lancés sous les ordres du médecin. Les autres, où sont les autres ? Combien y avait-il de personnes au moment de l’accident.

2 des passagers de la voiture sont morts. Le conducteur en état critique est lui aussi en cours de réanimation. Les deux autres filles, il faut les retrouver. Il aura fallu du temps à ma collègue pour comprendre, comprendre que ce n’était plus des corps qu’il fallait chercher mais des morceaux.

Le puzzle commence, un bras, une jambe, une tête, un pied, une main. L’horreur d’une jeunesse fauchée, de la violence d’un choc, de la fragilité de ces corps magnifiques devenus des morceaux de chairs.

Comment imaginer qu’une formation puisse préparer à cela ? Comment penser que face à cet insoutenable, l’être humain porteur d’une blouse possède les outils pour réagir. C’est un mode pilote automatique qui s’enclenche.

Réanimer, ramasser, déclarer, évacuer….

Une fois rentré à la base, les collègues sont là pour écouter, soutenir, encourager mais les images vont continuer à hanter le cerveau de mon amie. Ce souvenir va se frayer un chemin pour s’inscrire dans son corps, quelque part. Une cicatrice va se dessiner et venir rejoindre les autres. Laisser des empreintes indélébiles. Pas de groupe de soutien, pas de psychologue, juste du temps pour laisser croire que c’est fini, qu’elle a oublié, que c’est du passé. Illusion…

Un autre appel arrive, il faut repartir, douleur thoracique, suspicion de crise cardiaque.

Passer aux suivants, donner toutes les chances à chacun, tout le temps, sans relâche. Et avec le sourire, la politesse, la gentillesse, la compréhension, le soutient, la compétence et tout ce que l’on attend d’un soignant, d’un docteur.

Circulez, il n’y a rien à voir.

Cynthia.

Défi N°2, article 11/30

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