Maintenant je veux que cela s’arrête

il faut que ça s'arrête. Hisser les voiles

Que cela s’arrête ….

  • Mais c’est quoi « cela ».
  • La vie, me répond t-il.
  • Ah, vous souhaitez quitter ce monde ? Mourir ?
  • Oui exactement. Pouvez-vous m’aider ?
  • Je ne peux pas vous tuer, en France c’est interdit. Je ne peux pas vous donner la possibilité de mourir, en France c’est interdit. Par contre nous pouvons réfléchir si certains de vos traitements vous maintiennent en vie. Là, nous pourrons, après une réflexion avec l’ensemble des professionnels, décider si l’on peut accéder à votre demande ou on.
  • S’il vous plait, faites-le.

Cet homme de 48 ans vient de nous demander ce qu’il y a de plus difficile pour un soignant. Arrêter.

Arrêter de soigner, arrêter d’essayer, arrêter de se battre pour la vie à tout prix.

Atteint d’une SLA, il est emprisonné dans son corps. Grâce à son interface de communication, il arrive à nous exprimer ce qu’il ressent, ce qu’il vit.

Et ce qu’il vit lui est devenu intolérable. Il a besoin d’aide tout le temps, ne peut plus se laver seul. Son intimité est déjà morte, sa vie sociale avec. Cette maladie le tue à petit feu.

Comment faire ?

S’assurer que sa demande est bien constante et que ce n’est pas un ras le bol, une impulsion passagère.

Ok c’est fait. Sa demande est vraiment constante et c’est vraiment celle-ci.

Les réactions que cela va susciter dans l’équipe sont différentes. Les soignants pour, les contre, les mitigés.

Mon dieu que c’est dur. Que c’est dur de se retrouver avec la vie d’un autre entre les mains.

Que c’est dur de devoir mettre en place une réflexion et des soins dont la finalité est la mort. Nous ne sommes pas formés pour cela, nous ne sommes programmés pour cela.

Il faut faire le tri entre ce que nous dit nos tripes, ce que cela nous renvoit émotionnellement, ce qui nous fait écho dans nos vies personnelle.

Et ce médecin, celui qui va porter cette décision d’arrêt. Quelle responsabilité, quelle difficulté !

Pourtant ce n’est pas nous. Ce n’est pas nous dans ce corps, dans cette tête, dans cette maladie. Comment peut-on imaginer ce qu’il vit, ce qu’il ressent. On ne peut pas, c’est impossible. Il faut lui faire confiance.

Alors la décision d’arrêter son insuline va être prise. Prise avec lui, pour lui, contre nous. C’est avec les larmes, l’empathie, la compréhension et le respect, que toute l’équipe ça l’accompagner jusqu’à son premier coma diabétique.

C’est avec professionnalisme et amour que tous les soignants vont rester jusqu’au bout. Rester présent, lui renvoyer son regard pour qu’il garde sa dignité d’être humain, d’homme.

Il s’éteindra dans son sommeil, sommeil lié à son taux de sucre mais sommeil quand même. Il partira dignement, en silence.

Peut-être aura t’il le sentiment d’être resté le capitaine à bord du navire de sa vie. Il a hissé les voiles et nous les moussaillons nous avons guidé les manoeuvres, enroulés les bouts et veillé à ce que les cordages du navire de s’emmêlent pas.

Il a glissé sur les eaux de la vie, porté par le vent. Il a rejoint l’autre monde, celui que l’on connait pas. Celui dont le cap est inscrit sur les GPS interne de tous les êtres vivants.

Bon voyage.

Cynthia

Défi N°2, article 18/30

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