L’habit ne fait pas le moine

sans domicile fixe

Lorsque j’étais étudiante et que j’effectuais mon stage aux urgences, le soir nous avions toujours quelques personnes sans abris qui venaient demander des repas ou un truc à grignoter.

J’étais toute jeune, sortie de ma campagne, j’avais plutôt peur de ces personnes, peur de les aborder.

Qui étaient t-ils ?

Pourquoi dormaient-ils dans la rue ?

Je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer que c’était des personnes atteintes de troubles psychiques plus ou moins graves. Je me demandais toujours comment pouvait-on en arriver là ?

Dans le service, les équipes les connaissaient bien. Ils les appelaient par leurs prénoms. Ils avaient tissé un lien avec eux et tout en discutant pouvaient apprécier leur état de santé, leur moral.

Un soir, un homme arrive. Vêtu de vêtement trop grand, ou trop maigre pour ses vêtements, il demande un plateau, un repas ou un truc à grignoter. La direction de l’hôpital a été claire : PAS DE DISTRIBUTION DES REPAS NON PRIS AUX SANS-ABRIS ». La raison est simplement celle de l’innocuité. L’hôpital ne veut pas que les sans-abris attrapent un germe avec l’alimentation. Ben voyons… Au nom de ces satanées lois et règles de sécurité, on finit par s’éloigner complètement du rationnel et de l’humain. Donc plutôt laisser un être humain dans la rue avoir faim de prendre le risque de lui donner un repas qui est tellement stérilisé et cuit qu’il ne contient plus aucun greme, ni aucune vitamine derrière !

L’infirmier lui propose alors un deal. S’il prend une douche, il peut prendre un repas. Apparemment c’est toujours compliqué ce temps de douche. Ils ne sont pas toujours favorable. Mais il a très faim, et il accepte. Je lui apporte du savon, du shampoing et des serviettes.

Une fois sorti, je l’installe dans une petite salle et je vais chercher son repas. Il a changé avec cette douche, il est plus beau, il sent bon, il dégage une autre image. Comme si l’eau l’avait un peu rempli de dignité.

En faisant réchauffer son repas, je réfléchis à ce que je vais bien pouvoir lui dire. Je suis étudiante infirmière, j’apprends la communication, c’est un patient comme un autre il faut que je surmonte ma difficulté.

Comme souvent, c’est le plus vulnérable qui prend soin du plus fort. Nos patients nous demandent toujours comment nous allons, si ce n’est pas trop dur. Et bien là c’est pareil. C’est lui qui engage la conversation. Il me demande mon âge, d’où je viens, en quelle année d’étude je suis….

Puis, tout simplement il me parle de lui. De son métier d’architecte, de ses passions, de sa femme qui est partie, de la perte de son emploi après son divorce, de la vente de la maison au petit appartement, du chômage au RMI, de l’appartement à la voiture, du RMI à sans revenu, de la voiture à la rue après avoir perdu le droit de s’occuper de ses enfants.

J’ai les larmes aux yeux, derrière ce masque de crasse et d’isolement, se cache quelqu’un comme moi, comme mon père, comme mon frère. Quelqu’un qui a tout perdu et ne s’est pas relevé. Un homme entouré qui se retrouve seul. Quel choc cela a été pour moi de découvrir que derrière les vêtements se cachent une vie, une âme, un être, une histoire.

Cet homme a changé le regard que je portais sur les autres. Chaque personne qui entre à l’hôpital possède une âme, une histoire, une vie. Ce ne sont pas que des clichés, des patients, ou des maladies.

Ce soir là j’ai fais une rencontre magnifique. Sans le contexte, je ne serai jamais allée vers lui. L’habit ne fait pas le moine.

Cynthia

Défi N°2, article 6/30

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