Me sauver ? Non merci…

le choix d'être libre de ses choix

Depuis 52 ans, Stéphane se bat contre une maladie respiratoire qui lui détruit les bronches et diminue sa capacité respiratoire. Il a l’habitude de respirer comme un poisson hors de l’eau.

Cette maladie a fait de sa vie un enfer. Il n’a pas réussi à trouver une amoureuse, n’a pas d’enfant.

Il n’a pas découvert le monde non plus. Sa région un petit peu mais sa dépendance à l’oxygène limite vraiment ses déplacements.

En plus Stéphane il n’est pas très aventurier. Quand je le rencontre il me dit qu’il n’a jamais eu envie d’aller au delà de ses possibilités. Il vit toujours avec sa maman.

L’hôpital il n’aime pas. Les consultations, les médicaments, les conseils, les surveillances, l’éducation thérapeutique, tout ça c’est pas son truc. Il est assez fataliste en fait et s’en remet beaucoup à la vie.

Ces dernières années, le médecin a commencé à lui parler d’une greffe des poumons. Une greffe !

Un morceau d’organe de quelqu’un qui est mort, qui viendrait se loger dans sa propre cage thoracique ? Se faire ouvrir le sternum en deux. Partir à plus de 10 000 kms de son île natale dans un pays (la métropole) qu’il ne connait pas et où il ne connait personne ! Prendre des cachets à vie, prendre le risque de ne pas rentrer, pire de mourir là bas, seul.

Non, pour Stéphane c’est au dessus de ses forces. Pour lui le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il n’a que 52 ans mais il a déjà 52 ans. Tant pis. Il préfère faire le choix de rester ici et d’aller à l’hôpital quand ça ne va pas. Il a bien réfléchi.

Ah oui mais voilà, à l’hôpital c’est dur pour les jeunes médecins de comprendre que si jeune, on refuse la possibilité offerte d’être sauvé et ce gratuitement en plus. Quand même ! On lui propose une solution sur un plateau d’argent et il refuse ! Il serait éligible en plus à cette greffe.

La jeunesse, la fougue et la passion du métier. Certainement les trois réunis qui amèneront l’interne à demander une consultation psychiatrique. Mais oui, et si il était fou pour refuser un truc pareil ? Peut être qu’il est dépressif et qu’avec un traitement anti-dépresseur il va changer d’avis !

Et non très cher collègue, la psychiatrie et les médicaments ne seront d’aucun recours dans cette situation. Simplement parce que tu es face à quelque chose qui n’est pas enseignée sur les bancs de la FAC. L’écoute et l’empathie. Ce patient là il entend ta proposition, mais il n’en veut pas et c’est son choix.

C’est aussi son choix de ne pas vouloir vivre plus.

C’est son choix de mourir de cette maladie qu’il supporte depuis sa naissance et qui lui a ruiné sa vie.

Le choix de ne pas trouver merveilleux toutes les solutions possibles que la médecine occidentale met à disposition des malades.

Le choix de la qualité de vie, le choix de ne pas vivre des choses qui pour lui  paraissent insurmontable, inenvisageable, invivable.

Le choix de disposer de ses poumons jusqu’à la fin et de ne pas utiliser ceux d’un autre.

Le choix d’être libre de ses choix.

C’est difficile quand on a appris pendant 8 ans à réfléchir en mode binaire : problème ⇒ Solution. Avec l’humain le binaire ce n’est pas possible. Entre le problème et la solution, il y a celui qui vit le problème.

Alors oui il faudra continuer à le prendre en charge sans le juger. A le prendre en charge à chaque fois qu’il décompense sur le plan respiratoire. A chaque fois qu’il le demande. Et tout cela sans JAMAIS lui en vouloir d’avoir refusé. Sans JAMAIS le juger.

Le soigner dans l’empathie de ce qu’il vit et de ses choix.

Cynthia

Défi N°2, article 17/30

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