C’est la première fois que tu vois un mort ?

la mort

Commencer des études de médecine ou d’infirmier, sous-entend enfiler une blouse. Qui dit blouse dit vocation, qui dit vocation dit prédispositions. Parce que vous avez une blouse sur le dos, vous n’allez pas vivre les choses de la même manière que le commun des mortels.

Alors quand je me suis retrouvée à 18 ans devant le premier cadavre de ma vie, j’ai eu droit comme simple accompagnement : C’est la première fois que tu vois un mort ? Ça va tu te sens de continuer ?

En position d’étudiant, à part d’être pris d’un malaise ou de vomissements, vous répondez que oui.

Et pour les internes en médecine, c’est pareil. Première garde, premier mort, premier certificat de décès, première famille qui pleure, premier Pace Maker à retirer sur un corps.

Comment, ceux qui réfléchissent pour nous, peuvent-ils imaginer une seule seconde que tout cela a si peu d’impact sur nous ?

Rappelez-vous qui vous étiez à 20 ans et imaginez la violence que nous pouvons ressentir lorsque nos mains touchent pour la première fois la peau froide, le coude raide, la mâchoire bloquée, les yeux ouverts avec cette expression vide et les paupières qu’il faut fermer. Les films, vite, se rappeler les films dans lesquels on peut confortablement observer la mort sans y être confronté…. Comment ils font les acteurs dans les films ?

Oui mais voilà aujourd’hui ce n’est pas de la science fiction, c’est du pour de vrai. J’ai 18 ans, j’ai démarré mes études d’infirmière il y a 4 mois. Du haut de mon insouciance et de ma determination à sauver le monde, je suis corps et âme investie dans mes études. Chaque rencontre avec un soignant ou un patient me nourrit et me conforte dans mon choix. Jusqu’à ce jour où cette patiente décède. L’infirmière qui m’encadre (on disait comme ça à l’époque) me demande si je peux venir l’aider à faire la toilette mortuaire.

La toilette mortuaire ?? Mais c’est comment un homme mort ?

C’est froid, c’est raide, c’est sans vie …. J’exécute machinalement les gestes. Je la considère toujours comme présente. J’ai l’impression de sentir sa présence dans la pièce. Elle nous regarde, je sens son regard posé sur nos gestes.

Il faut la « bourrer » de coton hydrofuge. L’infirmière m’explique que c’est pour éviter les fuites de liquides quand le corps est manipulé. Il faut en mettre dans tous les orifices …. je vous passe les détails. De nos jours on ne le fait plus. Mais à l’époque nous avions de grandes pinces pour cela.

La toilette est finie. Elle sent bon, on dirait qu’elle est endormie. On remonte le drap jusque sous le menton. Elle est prête pour son dernier voyage.

Et moi ? Qui s’occupe de l’impact qu’une telle expérience peut avoir sur mon cerveau ? Sur mon coeur ? Sur mon corps ? Qui prend conscience que quelque part, une partie de mon insouciance d’étudiante est partie avec cette dame jusqu’à la morgue, jusque dans la tombe.

Je ne serai plus jamais la même. Le blindage a commencé.

Prenons soin des jeunes. Ce n’est pas parce que nous avons été malmenés que nous devons le faire aussi.

Cette expérience avec la mort laisse toujours une trace … A vie.

Cynthia

Défi N°2, article 4/30

2 Comments

  • Grossaule

    Ce fut terrible en ce qui me concerne et c’est à ce moment que j’ai réalisé que j’avais fait la spécialité de puériculture pour (je pensais} m’en éloigner un peu de cette MORT????
    UN VENDREDI SOIR avec 12 bb ds le service et tous leur parents,(à cette époque ts les enfants ds une pièce commune) , un petit Heliot pousse un cri et fait un arrêt cardio/respi ds les bras de son papa, je discutais avec ses parents.. Il me le met ds les bras.. et les deux parents s’éloignent me laissent faire ce que je peux avec mes 2 collègues… Tt s’enchaîne très vite jai l’impression que tt se mélange rien ne se fait comme tu l’apprends à l’école…. Heliot ce jour là a décidé de nous quitter
    Les images restent… l’aiguille de 50 ml de sang rouge que le smur préleve,à la fin, sur ce petit corps tt gris, pr l’autopsie…. les parents qui te prennent ds les bras et te disent merci, en partant, qd tu leur « rends » un petit garçon tt habillé… .les collègues de nuit qui ne te préviennent pas le lendemain matin qd tu reviens bosser après une nuit blanche que le petit bout est toujours ds son berceau au fond du service en attendant que l on viennent le chercher.. Les autres parents du service qui reviennent s’occuper des autres bb qui eux St encore là qui n’osent pas te parler parce que eux aussi ont eu très peur cette nuit là… Le week-end qui s’enchaînent.. seule parce que tes collègues étaient en congé après cette nuit là … Personne avec qui partager, pas de psy, ton mari a la maison qui ne comprend pas ce qui se passe… les autres médecins qui n’osent pas en parler non plus.. un seul qui prend le temps de s’asseoir en face de toi pr te rassurer et te dire que tu as fais de ton mieux que l’autopsie nous en dira plus.. Et l’autopsie qui te dit après que bb était porteur d’une pathologie qui l’aurait laisser avec un lourd handicap dc on te dis.. « C’était peut-être mieux ainsi » … J’ai mis plus de 6 mois à m’en remettre j’en pleure encore.. J’ai vécu d’autres décès après, ou tt c’est mieux « enchaîne » sur la réa qui a suivi mais où les bb on qd même decidés de nous quitter… Le déchirement reste le même et les parents nous remercie tjrs à la fin…. mais je sais maintenant que cet instant ne nous appartient pas toujours.. qd l’être humain à décidé de passer de l’autre côté.. Et Nous avons été placé la tout près d’eux… Pourquoi je ne sais pas encore… Mais je l’accepte. Ce qui me pèse au final, qd je pense à tt ces départs, c’est la violence de la réa qui suit.. Le départ qui n’est pas serein on y met bcp d’énergie bcp de techniques personne n’est avec lui, réellement, on essait de ramener le corps sans tenir compte de son esprit… Mais ça ça fait partie de notre profession.. j’ai appris depuis à maîtriser ts les gestes de réa.. ça me rassure et j’aime ça… . Mais je sais qu’un jour je prendrais du temps pour accompagner ceux qui ont décider de quitter ce monde sans utiliser la technique… Les laisser aller sans les retenir…des personnes qui se sentent en fin de vie (pas ds le monde de la pédiatrie)
    j’ai fait une formation en massage mes mains me guideront j’en suis certaine pr leur apporter le soutien nécessaire ds le passage vers l’autre monde…. Sans technique sans violence… Un jour prochain… mon parcours de vie m’y conduit petit à petit

    • Cylie

      Waouuuuu merci pour ce témoignage …. gratitude.

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